Poursuite éclatante du trajet théâtral d’Emmanuel Meirieu centré sur le réel et la restitution d’expériences, “La Fin de l’homme rouge” redonne à l’humain la place que l’expérience soviétique lui a toujours déniée.
Entre le projet d’écriture de Svetlana Alexievitch dans La Fin de l’homme rouge, et le théâtre d’Emmanuel Meirieu, il y a plus qu’une convergence de vues – donner à entendre la parole de personnes qui se racontent. Il y a une similitude d’intérêts – l’être humain – qui trouve sa forme, littéraire ou théâtrale, pour lui redonner sa pleine mesure.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Du choc que fut l’effondrement de l’Union soviétique pour des générations d’hommes et de femmes, de tous ces témoignages recueillis au fil du temps par Svetlana Alexievitch et qui composent son “roman de voix”, Emmanuel Meirieu a choisi d’en dresser un tableau contrasté à travers sept témoignages. Epique, par la teneur des histoires qui s’y tressent (une rescapée du goulag, la jeune veuve d’un pompier envoyé à Tchernobyl, la mère d’un adolescent suicidé, un communiste convaincu contre vents et marées, l’amertume du soldat), et singulièrement familier quant à la palette des émotions qu’il dessine.
Virage à 180°
Un à un, acteurs et actrices se succèdent sur l’estrade, face à un plateau recouvert de débris. Chaque récit renvoie à des images d’archives projetées sur les murs du décor, non comme illustration, mais comme hiatus insondable entre la construction des images de propagande et la désolation de celles d’où s’extirpent les souvenirs des témoins.
Qu’ils aient cru ou non à l’utopie socialiste. Qu’ils l’aient subie ou servie. Tous vivent comme un choc la démission de Gorbatchev le 25 décembre 1991 et ses conséquences. Et “comme un virage à 180°” ceux qui ont connu “une enfance communiste et une jeunesse capitaliste”. “Certains ne l’ont pas supporté, les hôpitaux psychiatriques étaient pleins”, se souvient un jeune homme.
Dans ce tour d’horizon, chaque acteur fait vibrer avec intensité la trame d’une existence, du chaos des camps à celui de la guerre en Afghanistan, de la croyance en un avenir meilleur au désenchantement d’une idéologie à l’agonie.
D’Anouk Grinberg à Evelyne Didi, de Xavier Gallais à Jérôme Kircher, et d’André Wilms à Maud Wyler ou Stéphane Balmino, tous restituent avec justesse et retenue l’ébranlement intime provoqué par la dislocation de l’Union soviétique. Les bourreaux comme les victimes. La rescapée du goulag où sa mère lui donna la vie et qui a survécu à tout, comme le gardien de camp chargé de tuer les condamnés. Sonne alors comme un avertissement cette phrase lâchée par un soldat au retour de la guerre : “La hache elle est toujours là, elle attend son nouveau maître.”
La Fin de l’homme rouge d’après le roman de Svetlana Alexievitch, mise en scène et adaptation Emmanuel Meirieu, du 13 au 15 novembre, Saint-Etienne, le 19, Château-Arnoux-Saint-Auban, le 22, Draguignan
{"type":"Banniere-Basse"}