Après avoir œuvré pendant quinze ans auprès de Halo Maud, Syd Matters ou Thousand, le multi-instrumentiste O livre « A terre ! », son remarquable deuxième album. Portrait du secret le mieux gardé de la french pop.
Il fait l’unanimité autour de lui. Son “altruisme” est le mot qui revient le plus souvent à son égard. “Capacité d’effacement”, “jeu intuitif”, “précision technique”, “fidélité sans bornes”, impossible de trouver dans l’entourage amical ou professionnel un témoignage divergent à son propos. Au pire, c’est son caractère de “control freak” qui pourrait lui jouer des tours, à en croire Stéphane Milochevitch de Thousand. Indissociable du paysage pop hexagonal depuis les années 2000 (de Syd Matters à Halo Maud, de Los Chicros à Mina Tindle, de Mehdi Zannad à Barbara Carlotti), Olivier Marguerit est facilement reconnaissable à son bouc-moustache, ses yeux bleus globuleux, sa silhouette frêle et son air éternellement juvénile (malgré la quarantaine approchant). En 2014, parallèlement à son hyperactivité, il décide de voler de ses propres ailes sous l’alias O, “la quinzième lettre de l’alphabet”, comme il aime à se présenter en concert, défiant toute googlisation. L’altruiste à plein temps devient artiste à mi-temps.
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« Mon plaisir premier reste composer et arranger«
Né en banlieue francilienne l’année de Seventeen Seconds (1980) – The Cure fait partie de ses groupes fétiches, l’inspirant encore jusque dans la production sonore –, Olivier Marguerit balance entre deux cultures musicales : le rock FM (Supertramp, Dire Straits, Chris Rea) écouté par son père, la variété francophone (Balavoine, Goldman, Cabrel) chérie par sa mère. A Chaville (Hauts-de-Seine), il partage sa scolarité avec un certain Pierre Leroux, futur chanteur de Housse de Racket. Ensemble, les deux aspirants guitaristes montent leur tout premier groupe. Au lycée de Sèvres, haut lieu du rock alternatif en France, qui vit naître la Mano Negra, il suit de près la French Touch qui explose pas loin de là, autour de Versailles.
Quand il rejoint Los Chicros et Syd Matters, Olivier Marguerit a déjà fait ses classes à l’American School of Modern Music à Paris, où il apprit la composition orchestrale et l’analyse harmonique, tout en suivant un cursus de sociologie à la faculté. Un temps, il s’imagine même sociologue plutôt que musicien. “Après cette école de jazz, j’ai un peu perdu le goût de la composition. J’ai retrouvé le geste pop avec le mouvement anti-folk au début des années 2000, quand les accords basiques ont de nouveau eu la cote. C’est dix ans plus tard que je suis revenu à une écriture plus sophistiquée. Mon plaisir premier reste composer et arranger.”
Un artiste versatile
Polymorphe et intermittent depuis 2003, Olivier Marguerit passe sans ambages d’un instrument à l’autre suivant les formations qu’il accompagne avec joie et sérieux : guitariste chez Syd Matters, bassiste chez Thousand ou claviériste chez Halo Maud. “C’est peut-être à la basse que je me sens le plus à l’aise avec un instrument”, indique-t-il, confirmant le sentiment de Stéphane Milochevitch, bluffé par “la polyvalence” et “l’abnégation” d’Olivier Marguerit. Au générique des disques des autres, on remarque son nom comme compositeur et même comme producteur d’un album de Mina Tindle (Parades, 2014).
Et s’il a œuvré au sein du duo My Girlfriend Is Better Than Yours le temps d’une idylle, ce visage familier de la pop française commence à éditer ses premiers morceaux en solo. Deux maxi vinyles autoproduits paraissent – Ohm part1 (2014), suivi logiquement de Ohm part2 (2015), en référence au titre Ohm Sweet Ohm de Kraftwerk –, mais O n’a alors aucune velléité commerciale. “En sortant d’une adolescence tardive et en entrant enfin dans l’âge adulte, notamment liée à ma paternité, j’ai d’abord eu besoin d’écrire et de publier ces chansons pour moi.”
Comme un écho
Pas tombé dans l’oreille d’un sourd, un morceau d’Olivier Marguerit retient particulièrement l’attention d’un éditeur de Sony/ATV : Mon écho, inspiré par sa fille Echo. Tout s’emballe : une signature chez Vietnam (H-Burns, Chevalrex, Pharaon de Winter) et l’enregistrement de son premier album avec Yann Arnaud, ingénieur du son complice depuis les débuts de Syd Matters. “Comme Arnaud Fleurent-Didier dans La Reproduction (2010), j’avais envie d’évoquer la filiation, les liens entre générations.” Un torrent, la boue paraît en janvier 2016, l’accueil critique est dithyrambique, le bouche-à-oreille faisant le reste. Etienne Daho ne s’y trompe pas, en chérissant La Rivière, ballade aux airs de classique immédiat qui se retrouvera dans le juke-box de son exposition Daho l’aime pop à la Cité de la Musique (2018). “Mon premier album marque la fin d’un cycle, il manque d’ampleur. Le début, ça sera le prochain”, confiait pourtant son auteur à la sortie.
De l’eau à la terre
Si le disque précédent était d’obédience aquatique – O comme eau –, le nouveau développe la thématique de la chute – O comme haut, donc, pour un homme qui reconnaît le vertige et la peur du vide, comme il le chante ouvertement dans Les Pédales. Ce qui frappe surtout à l’écoute répétée et absolument enthousiasmante de A terre !, c’est l’ambition affirmée des compositions et la richesse foisonnante des arrangements. Sur scène, d’ailleurs, pour oublier quelques frustrations passées, Olivier a choisi de s’entourer d’Halo Maud et d’Emma Broughton, en sus de son claviériste et de son batteur habituels. “J’aime bien l’idée que le public soit interloqué par ce qu’il voit. Je travaille avec une chorégraphe, Julie Desprairies, pour offrir une gestuelle et des mouvements inédits dans un concert pop.” Aux prémices de l’année 2019, Olivier Marguerit pourrait bien ne pas quitter le haut de l’affiche.
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