Sa vie durant, il aura milité pour un “troisième cinéma” qui ne soit ni hollywoodien ni européen… Celui qui était depuis cet été ambasseur d’Argentine à l’Unesco est mort vendredi 6 novembre des suites du coronavirus, à l’âge de 84 ans.
Fernando “Pino” Solanas est décédé le 6 novembre 2020, à Paris, des suites du Covid. Il avait 84 ans. Cinéaste, militant et homme politique, il est difficile de distinguer son art de son engagement. A la fin des années 1960, lui et son scénariste Octavio Getino s’insurgent contre l’hégémonie des cinémas américain et européen et fondent le groupe Cine Liberación, pour que naisse un “troisième cinéma” propre à l’Amérique latine. En guise de manifeste esthétique et politique, ils réalisent clandestinement L’Heure des brasiers (1968), une trilogie documentaire anti-néocolonialiste, qui évoque également les deux premières présidences du général Juan Peron, qui sera censurée jusqu’à la fin de la dictature dite de la “Révolution argentine”, en 1973.
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Aujourd’hui, cette oeuvre d’agit-prop est considérée comme un emblème de l’avant-garde artistique et politique ayant inspiré toute une génération de cinéastes du tiers-monde ou de militants anglo-saxons. Ce documentaire véhicule une idéologie révolutionnaire radicale et rappelle qu’une troisième voie est possible entre films d’auteur européens et productions hollywoodiennes.
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Pendant la dictature militaire (1976-1983) instaurée trois ans après celle de la “Révolution argentine”, Fernando Solanas s’exile à Paris et réalise entre autres Tangos, l’exil de Gardel (1985) avec Marie Laforêt et Philippe Léotard. Récompensé à la Mostra de Venise, le film décrit le quotidien d’un cercle d’exilés argentins désirant créer un groupe de tango. Mais c’est surtout Le Sud (1988), récompensé du prix de la mise en scène à Cannes, qui assoie véritablement sa carrière de cinéaste. S’ensuit un autre drame, Le Voyage (1992), qui lui vaut un deuxième passage sur la Croisette.
Dans les années 2000, il revient au documentaire, se concentrant essentiellement sur l’histoire et l’actualité de son pays. Mémoire d’un saccage (2003), récompensé d’un Ours d’or d’honneur au festival de Berlin, revient sur la désastreuse politique du Président Carlos Menem (1989-1999) tandis que La Dignité du peuple (2005) s’attarde sur le destin des victimes de la crise économique argentine de 2001.
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Une carrière politique en parallèle
Parallèlement à ses activités de réalisateur, Fernando Solanas a mené une carrière d’homme politique qui l’a mené à se présenter, sans succès, à l’élection présidentielle de 2007. Il a par ailleurs siégé comme député du parti centre-gauche Frepaso (Front pour un pays solidaire) puis est devenu sénateur en 2013. Ses engagements sont de gauche, militant entre autres pour la légalisation de l’avortement en Argentine et pour la protection de l’environnement. Depuis cet été, il était ambassadeur d’Argentine auprès de l’Unesco.
Sa directrice générale, Audrey Azoulay, a salué sa mémoire dans un tweet : “Il poursuivait dans ses fonctions d’Ambassadeur de son pays à l’Unesco ses engagements de toujours et récemment encore son combat contre la pauvreté et pour la biodiversité. Condoléances à sa famille, ses nombreux amis du cinéma à travers le monde et à tous les Argentins.”
2/2 Il poursuivait dans ses fonctions d’Ambassadeur de son pays à l’Unesco ses engagements de toujours et récemment encore son combat contre la pauvreté et pour la biodiversité. Condoléances à sa famille, ses nombreux amis du cinéma à travers le monde et à tous les Argentins.
— Audrey Azoulay (@AAzoulay) November 7, 2020
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