Depuis mi-octobre, le #PayUpHollywood s’est invité sur Twitter, dont les internautes se servent pour dénoncer les conditions de travail des assistants à Hollywood. Le mouvement prend de l’ampleur outre-Atlantique, et de nombreux professionnels du cinéma appellent à une meilleure rémunération et reconnaissance de ces emplois précaires.
A Hollywood, les assistants ont de plus en plus de difficultés à vivre décemment, et ils commencent à le faire savoir. A la mi-octobre, la scénariste et membre de la Writers Guild of America (le syndicat des scénaristes américains) Liz Alper a créé le #PayUpHollywood sur Twitter pour sensibiliser aux mauvaises pratiques du milieu.
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Comme le rapporte le Los Angeles Times, être assistant dans l’industrie cinématographique à Los Angeles n’est en effet pas chose aisée : les salaires sont pour la plupart très bas, parfois en dessous du revenu minimum, et le volume horaire important. En conséquence, de nombreuses personnes – pour qui ce sont souvent les premiers emplois au sortir de l’université – ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts. « J’ai pensé que quelqu’un devait faire bouger les choses et j’ai décidé que je ferais aussi bien de m’en charger », a notamment déclaré Liz Alper à Variety. Elle ajoute : « J’ai reçu tellement d’histoires et elles allaient toutes être des feuilles dans le vent, mais maintenant vous pouvez voir l’ampleur de ce que vivent la communauté des assistants et le personnel de soutien à Hollywood. Ce n’est pas seulement pour ceux qui travaillent dans une agence ou dans un bureau, c’est aussi pour nos assistants de décors, nos assistants de costumes, tous ceux qui essaient d’y arriver dans l’industrie. […] C’est devenu un privilège de classe de pouvoir travailler dans cette industrie de nos jours. »
Des salaires souvent très insuffisants pour vivre dans une ville comme Los Angeles
Les loyers sont bien entendu très élevés à Los Angeles; en rajoutant l’assurance santé plus les impôts, le revenu de la plupart des assistants devient bien insuffisant face aux nombreuses dépenses à assumer. Certains se retrouvent donc à occuper jusqu’à quatre emplois en même temps pour s’en sortir.
Une des scénaristes de la série Roswell, New Mexico et amie d’Alper, Deirdre Mangan, a insisté sur le fait que beaucoup de personnes du « haut » de l’échelle ne se rendaient pas compte de ce que voulait dire être au bas de celle-ci. A Variety également, elle explique : « La façon dont les assistants sont traités et la quantité de travail qu’on attend d’eux est astronomique, ce n’est pas seulement 40 ou 60 heures, il y a des problèmes de limites avec les assistants et ce à quoi ils servent. Cent personnes feraient la queue pour remplacer n’importe qui et c’est pour ça que les salaires restent bas et que certains producteurs, scénaristes, agents peuvent faire des demandes insensées ; parce que si vous ne le faites pas, ils trouveront quelqu’un d’autre qui le fera. »
Le podcast Scriptnotes a lui aussi dénoncé les conditions de travail des assistants
Le podcast américain Scripnotes, qui parle d’écriture de scénario, a consacré un épisode entier à ce problème, intitulé « Les assistants ne sont pas assez payés ». Dans l’émission, les présentateurs John August (scénariste d’Aladdin) et Craig Mazin (créateur de la série Chernobyl) ont notamment expliqué que les salaires bas créent une barrière qui empêchent les personnes ne venant pas de milieux favorisés de faire leurs premiers pas dans l’industrie du cinéma. Cela annule également, de fait, la diversité sociale dont l’industrie essaie de se targuer.
Graig Mazin a ainsi partagé son point de vue : « On ne peut pas continuer comme ça. C’est dégoûtant. Il faut que ça cesse. Et ce que nous faisons, c’est créer toute une génération qui est dégoûtée par cette industrie et qui considère ses propres patrons comme des hypocrites. Et ils le sont… Il n’y a pas d’excuse pour ça.«
John August, quant à lui, a indiqué sur son blog : « Ces décideurs (les gens dans la quarantaine et la cinquantaine) commettent deux erreurs fondamentales. D’abord, ils supposent que les assistants sont à peu près comme moi en 1994 : des Américains blancs qui sortent de l’université sans enfants et avec peu de dettes, et qui ont souvent des parents qui peuvent les aider à couvrir leurs dépenses.«
Il a ensuite listé 5 aspects significatifs concernant les changements apparus depuis deux décennies :
« 1. Los Angeles est devenue beaucoup plus chère.
2. Les assistants restent assistants plus longtemps qu’avant.
3. Posséder une voiture est toujours obligatoire et coûte plus cher.
4. L’assurance médicale est plus chère.
5. Les contrats courts rendent la montée des échelons plus difficile. »
Des conditions de travail qui se dégradent
Les difficultés rencontrées dans ces premiers emplois aujourd’hui sont en effet pires qu’avant : beaucoup ont du mal à payer leurs charges malgré un volume horaire de travail toujours plus allongé, et d’autres se sentent coincés dans des emplois non syndicalisés, avec des salaires peu élevés du fait de l’intense compétition à laquelle ils doivent faire face.
Certains assistants font également face à certains prérequis pour travailler : ils doivent acheter des vêtements coûteux, par exemple, ou une voiture, augmentant considérablement leurs dépenses.
Les deux scénaristes ont notamment demandé aux personnes concernées de partager leurs histoires, et ont recueilli de nombreux témoignages d’assistants de scénaristes, de production, ou encore d’agences. Le mot-dièse #PayUpHollywood a en effet rencontré un grand succès sur Twitter, de nombreuses personnes en profitant pour partager leurs mauvaises expériences. Ainsi, la scénariste Monica Dollive explique : « J’ai peur de tweeter à propos de #PayUpHollywood parce que j’ai été conditionnée à craindre la file d’attente de centaines de personnes pour me remplacer. C’est là qu’est le problème.«
https://twitter.com/m_dollive/status/1183989007857795074
Scénariste également, Tennessee Martin, indique quant à elle : « Il y a deux ans, j’ai eu un entretien avec un manager qui recherchait un assistant exécutif, un gestionnaire de bureau et un informaticien en une seule personne. Il m’a offert 35 000 $ par an. J’avais 6 ans d’expérience dans le domaine. Je lui ai dit que ce travail devait être de 75 000 $ minimum. Il a dit : ‘Quelqu’un le fera pour ça.' »
https://twitter.com/tennesseemartin/status/1184496855901560833
La productrice et réalisatrice Priyanka Mattoo a publié un article sur Vulture intitulé « Comment je survis à Hollywood avec un salaire d’assistant ? », dans lequel elle donne ses conseils à une aspirante scénariste pour s’en sortir dans ses dépenses tout en gagnant un salaire modeste, illustrant à nouveau la réalité de la difficulté du métier d’assistant à Hollywood. Il reste à espérer que cette libération de la parole des travailleurs les plus précaires de l’industrie hollywoodienne aidera à faire évoluer les mentalités et, peut-être, les législations.
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