Pour sa troisième édition, le Festival Pantiero a cherché à asseoir son identité dans le vaste paysage des festivals français. Au niveau de la programmation, le jeune festival cannois proposait cette année une affiche très variée. Morceaux choisis en images entre plage, terrasse et Palais des festivals.
Arrivés à 22h le mercredi soir, on n’aura pas pu voir The Dynamics feat Patchwork et guère pas plus de deux morceaux de Frédéric Galliano et ses African Divas. Croisés en juillet un peu refroidis par un temps frisquet à la fête F Com du Futuroscope, le sorcier de F Com et ses divas semblaient ce soir définitivement plus à l’aise sur la côte d’azur. Chaleur, bonne humeur et précision permettent à la troupe de repartir une fois de plus sous les applaudissements nombreux du public toujours conquis par un live ultra rodé.
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Alors que les deux pauvres serveurs du bar sont littéralement pris d’assaut par plusieurs centaines de personnes, on se fraye un chemin devant la scène pour High Tone. Les empereurs Lyonnais du dub se sont forgés une solide réputation de scène au cours des dernières années. Leur dub évolutif, marié aux images et lumières intégrés avec ingéniosité, prend ici tout son intérêt. Energique et multi-sensoriel, le live de High Tone est très impressionnant et n’a rien à envier aux anglo-saxons, souvent maîtres du genre. Une belle entrée en matière pour cette première soirée aux couleurs du monde.
Deuxième jour de campagne. Après un passage obligé par la plage dans l’après midi, retour vers 21h à la terrasse du Palais des festivals pour la deuxième soirée, cette fois d’obédiance Hip Hop. Ty, la nouvelle recrue de Big Dada, sous division de Ninja Tune, ouvre la soirée avec un concert funky aux idées larges. Si le rap anglais n’a jamais eu vraiment de stars internationales dans les années 90, le nouveau siècle a vu apparaître une nouvelle génération de MC/producteurs qui ont amené de nouvelles influences au genre. Ty est rapidement devenue l’une des figures de proue de cette mouvance qui doit beaucoup à des labels comme Ninja Tune ou le défunt Mo Wax.
Contrairement aux poids lourds du rap US, le hip hop européen et tout particulièrement anglais a un réel besoin de se démarquer et donc une envie de se donner une crédibilité musicale sur scène. Ty, accompagné d’un groupe au complet distille la bonne parole en musique, quelque part entre broken beat et funk. Sa performance est malheureusement très affectée par des problème de sons. Les anglais ne sont pas uniquement sur scène ce soir. Mike Skinner, chef d’orchestre de The Streets s’en rend rapidement compte lorsqu’il essaye de compter ses troupes, qui répondent massivement à l’appel du jeune B boy. Les mauvaises langues se diront que c’est peut être mieux pour lui. En effet, le live de The Streets est d’un intérêt assez limité et tombe vite dans le mielleux. Bien que ses histoires de petites frappes offrent une ambiance décalée au Palais des Festivals, la section musicale et le MC qui accompagnent Skinner effacent tout le charme des compositions sur disques. Si l’on y ajoute la relative qualité de son deuxième album, on a tout juste droit à un concert distrayant mais sans réel panache.
La majeure partie du public est surtout venue pour une très rare apparition d’Arrested Development. Débarquée dans le hip hop comme une curiosité au début des années 90, la famille Arrested avait alors amené un brin de fraîcheur et d’esprit communautaire au sein d’une scène qui s’enlisait dans le gansta-rap. Disparus depuis 95, ils étaient la grosse surprise de la programmation de cette 3ème édition de Pantiero, avec l’un de leurs premiers concerts en France depuis belle lurette. Il faut l’avouer, on ne savait pas trop à quoi s’attendre, Speech, le leader du crew, étant aujourd’hui l’un des seuls rescapés de la formule originelle. Dès les premières mesures, la bande a Speech emmène la foule compacte dans la bonne humeur, les « bonnes vibes » comme dirait mon voisin ! Il faut avouer que le son est à présent parfait, le groupe ultra motivé et le public complètement acquis à sa cause.
Pendant 1h30, les Arrested enchaînent vieux tubes à la Mr Wendall et nouvelles compositions. Le refrain de Baba O jays’s is the oldest one mettra les 1500 personnes à l’unisson avant de finir sur un Everyday people d’anthologie. Accompagnés par un DJ qui n’a rien a envier aux meilleurs turntablist, Speech et sa famille d’adoption font preuve d’une réelle générosité envers le public. A l’heure où les live hip hop sont de plus en plus décevants, la simplicité et la joie communicative d’Arrested Development semblent les avoir aidé à retrouver la formule magique. On est content pour eux et pour nous. Tout ça mérite une bonne nuit
Le troisième jour du festival marque l’arrivée d’un invité de dernière minute pas vraiment désiré : le mistral. La puissance de ce dernier va d’ailleurs chambouler le programme de cette journée placée sous des auspices plus rock. Les Soulwax, pressés de partir se chargeront de la suite. Dans l’après midi, la force du vent impose le démontage partiel de la scène extérieure et de son habillage en toile blanche tendue. L’équipe organisatrice se voit alors obligée de replier le campement vers la grande salle du Palais des festivals. Et comme une galère en cache toujours une autre, l’ordre de passage des groupes est inversé suite à un petit caprice des belges de Soulwax, têtes d’affiches du Festival. Ces derniers, devant repartir très tôt pour leur plat pays, ont en effet demandé à jouer en premier. Le public massé devant les marches se demande ce qui se passe. Le fait de devoir être enfermé dans une salle avec des sièges chiffonne un peu tout le monde. Cela reste néanmoins la meilleure solution de repli.
Les places assises du mythique amphithéâtre sont rapidement prises d’assaut par les 2000 personnes qui ont fait le déplacement. Soulwax ouvre les hostilités à fond la caisse vers 22h. Si la simplicité du design scénique est de la plus grande classe (des bandes noires et blanches qui descendent du haut, du fond de scène puis au sol, jusqu’au bord de la scène), on ne peut pas en dire autant de la musique. Familiarisés avec le succès grâce à leur projet parallèle, 2 Many Dj’s, les deux frères Dewaele et leur deux compères ont essayé de synthétiser leur deux facettes rock et electro sur leur troisième album Any Minute now. En live, cela donne un set très compact, exécuté à fond les ballons mais sans réelle présence. Le son est très fort mais surtout très mal réglé au niveau des aigus et médiums rendant très vite le concert quelque peu irritant pour les conduits auditifs. On a comme l’impression que les Soulwax sont démotivés, que le c’ur n’y est pas, peut être en raison de leurs réglages sur scène. Le public cherche lui aussi ses repères dans cette grande salle peu propice à la bonne tenue d’un festival de rock. Après 45 minutes, le plus gros cachet du festival, cette année, s’en va en fumée sans avoir convaincu. La principale déception de la soirée et sûrement de ces 4 jours.
C’est ensuite au tour de Stereolab de se lancer dans l’arène. Dès les premières mesures de « la bande à Sadier », les fans de Stereolab délaissent leur sièges. Si le groupe n’est définitivement pas une bête de scène, ses petites perles mélodiques (mention spéciale à Cybell s Reverie), teintées de psychédélisme valent néanmoins le détour, ne serait-ce que pour leur originalité. Alors que Laetitia s’essaye à la blague sur la météo entre les morceaux, les autres membres du groupes restent concentrés sur leurs instruments. Le rapatriement des concerts en intérieur est presque une chance pour eux, tant ces valses pop s’écoutent plus qu’elle ne se vivent. A l’image de sa chanteuse, le concert de Stereolab ressemble à une belle fille pleine de charme mais un peu gauche. A la fin, on se sent juste revigoré comme après un bonne ballade mais on n’a pas non plus vu la vierge…
Après un petit dégourdissement des jambes sur les marches, retour dans la grande salle pour LCD Soundsystem, dont on entendu beaucoup de bien suite à leurs passages à Benicassim, à la Route du Rock et tout dernièrement au festival Feed Back. Quand James Murphy arrive sur scène, les sièges du niveau inférieur de la grande salle sont quasiment vides ! On se dit un instant que c’est parti pour la catastrophe, que le public est parti se coucher, frustré de ne pas avoir pu se déhancher en extérieur. En l’espace de deux minutes, la salle se remplit soudainement, Murphy, désabusé mais confient, tente le grand chelem en haranguant la foule à se lever. Pendant une petite heure, James et sa bande enchaînent avec maestria leur petite dizaine de tubes imparables. Le palais des festivals est alors plongé dans une hystérie collective retro-punk dont il se rappellera sûrement longtemps.
Parce qu’il est avant tout dirigé par un ingénieur du son, LCD Soundsystem est un groupe qui se démarque immédiatement des autres formations malgré sa jeunesse. Les 5 artisans New Yorkais empilent une à une les briques d’un mur du son qui prend vite forme, sans jamais délaisser le groove lourd qui lui donne toute sa force. De son côté, James Murphy maîtrise à présent parfaitement sa voix et joue le monsieur loyal sur scène en réorganisant maniaquement entre chaque morceau la disposition des amplis et retours. Avant le dernier morceau, il prévient gentiment qu’il ne reviendront pas. Que ce sera fini et point. Promesse tenue, après un Yeah Yeah Yeah explosif, la lumière se rallume. Un des organisateur monte sur scène pour remercier les spectateurs pour leur compréhension. Alors qu’il résume brièvement les raisons du repli dans cette salle peu appropriée, il se fait copieusement et bêtement siffler. Drôle et injuste réaction du public qui vient pourtant d’assister à un concert d’une rare intensité. Chauffé à bloc, on décide plus tard de se rendre au glauquissime club Whisky à gogo pour un after non officiel. Parfois il vaudrait mieux savoir s’arrêter sur des bonnes impressions. En plus d’un personnel et d’une ambiance détestable, le set du pourtant recommandable Daniel Bell est plat et sans saveur. Après une heure dans le froid, on trouvera enfin un taxi pour aller faire des « rêves en LCD Soundsystem ».
Alors qu’on se réveille un peu en vrac vers 13h, le vent semble être tombé. Une dernière vérification de routine par la plage puis on se dirige vers la croisette pour la réglementaire ballade. En ce samedi, la terrasse du Palais des Festivals a heureusement repris du service pour la quatrième et dernière soirée de cette édition 2004. On arrive trop tard pour écouter le « bastardub » du trublion Rob Gallagher aka Earl Zinger. D’après quelques collègues d’une radio amie, c’était « bien mais bon' ». Ok, la description a le mérite d’être concise, on en demandera pas plus aux intéressés.
Les hostilités reprennent donc avec London Elektricity. Ce sextet anglais est à priori totalement inconnu dans nos contrées. Impression confirmée très rapidement par le MC qui annonce d’entrée que c’est leur tout premier concert en France. Mené à l’origine par deux activistes de la scène jungle anglaise, London Electricity devient sur scène un vrai groupe jungle totalement « live », fait rarissime pour être précisé. C’est d’ailleurs le principal intérêt de leur performance, certes tout à fait honnête mais déjà entendue sur disque.
Qu’a cela ne tienne, c’est l’occasion de se chauffer doucement les mollets pour la clôture du festival, orchestrée par l’une des principales stars de l’électronique européenne du moment : Ellen Allien. La Berlinoise est ce soir de particulièrement bonne humeur. Elle déborde de sourires et de déhanchements comme rarement vu auparavant. Du côté des platines, ça frappe sérieusement. Paradoxalement à la situation (extérieur + chaleur + côte d’azur), le set de Madame Allien est beaucoup plus dur et rapide que ses prestations parisiennes des deux dernières années. Le mix n’en reste pas moins parfait, suivant avec élégance une ligne techno germanique revendiquée.
Les bras en l’air, les premiers rangs ne s’y trompent pas et communiquent leur énergie à toute la terrasse. Vers 1h30, un vieux classique de Human League sonne soudainement la fin du (court) set de la « berlinette ». Le dancefloor aura droit a un dernier déluge de décibels avec le Freak de LFO. La jouissance sera rapide mais certaine. Fin des festivités de ce Pantiero 3. Les plus courageux ont la possibilité de continuer la fête à la soirée Electronic Palace. Steve Bug, Jennifer et Djul’z y assurent l’ambiance musicale. Avec un train à 7h du mat, on n’aura pas le courage de faire ce mauvais plan nos jambes épuisées. Fin des Festivités
Avec cette troisième édition réussie de Pantiero, l’iconoclaste ville de Cannes se dote d’un festival pointu relativement en décalage avec la population qu’elle accueille en plein été. De fait, Pantiero en devient un intéressant laboratoire à expérimentations et rencontres dans une région plus habituée aux grands marchés internationaux. Après un démarrage en douceur lors des deux premières éditions, le festival semble avoir trouvé sa formule au niveau des concerts. Il lui reste à présent à travailler sur la partie nocturne/after et continuer ses efforts de programmation. On fait confiance à l’équipe du festival sur ce dernier point. See you in Cannes next year
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