Initié par la newsletter féministe “Les Glorieuses”, un mouvement encourage les Françaises à quitter leur travail mardi 5 novembre, à 16h47, afin de dénoncer les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Cette année, il s’intéresse aussi aux différences entre les femmes blanches et les femmes racisées.
Nous sommes le 5 novembre, et si vous êtes une femme, vous n’êtes déjà plus payée depuis 16h47… et vous travaillerez donc bénévolement jusqu’à la fin de l’année. Selon Eurostat, l’écart de rémunération en France entre les femmes et les hommes en 2017 était de 15,4 %. Un chiffre d’ailleurs légèrement en hausse par rapport à l’année précédente, qui représente la différence moyenne de rémunération horaire brute entre les travailleurs de sexe féminin et masculin.
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Initié en 2016 par la newsletter féministe « Les Glorieuses », un mouvement encourage chaque année les Françaises à quitter leur travail à une date symbolique – cette année derrière le hashtag #5Novembre16H47. Une opération qui permet de mettre en lumière les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Mais qu’en est-il des femmes racisées ?
En 2016 donc, Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses, a comme un déclic. La même année, en octobre, partout en Islande, des femmes quittent en effet leur travail à 14h38. La raison ? Sur une journée de huit heures, comparativement à leurs homologues masculins, les femmes islandaises travaillent sans être payées après cet horaire-là. Ce mouvement est alors organisé à l’appel de syndicats et d’associations féministes, de façon à dénoncer les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Pour rappel, ces dernières gagnaient en moyenne 16% de moins que les hommes à l’échelle européenne en 2018.
Comment combattre ces inégalités ?
Et cette année, en France, Les Glorieuses ont décidé de mettre en lumière un aspect spécifique de cette question : celui des inégalités salariales entre femmes blanches et femmes racisées. Pour se faire, elles ont réuni le temps d’une conférence de presse Rachel Keke, du comité des grévistes des femmes de chambre de l’hôtel Ibis du XVIIe arrondissement, ainsi que Tiziri Kandi, du syndicat CGT-HPE (hôtels de prestige et économiques).
Si l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes est un problème régulièrement abordé dans la sphère publique, celui entre femmes blanches et racisées ne l’est encore que très rarement. Et pour cause : en France, les statistiques relatives à “l’origine ethnique ou la race” sont jugées anticonstitutionnelles. Outre-Atlantique, une étude de l' »Institute for Women’s Policy Research » révèle que les femmes noires perçoivent 38 % de moins que les hommes blancs, et 21 % de moins que les femmes blanches. “En d’autres termes, quand un homme blanc gagne un dollar, une femme noire touche 69 centimes”, résume Rebecca Amsellem qui a calculé que, selon ces statistiques, les femmes noires auraient dû s’arrêter de travailler dès le mois de juin… Cinq mois avant les femmes blanches donc. Comment alors mettre le doigt sur cette réalité en France ? Et comment combattre ces inégalités ?
Aujourd'hui, c'est le #5Novembre16h47. Dans la newsletter @Les_Glorieuses je propose un long entretien avec la sociologue Carmen Diop où on explore les écarts de rémunération entre les femmes blanches et les femmes racisées.
👉 https://t.co/DOE07jEzmS pic.twitter.com/hgGzW97558— Rebecca Amsellem (@RebeccaAmsellem) November 5, 2019
Nettoyer le monde est la tâche qui revient en majorité aux femmes racisées, comme nous le racontait lors d’une récente interview la politologue et féministe Françoise Vergès. Un travail bien souvent invisible (majoritairement en horaires de nuit) et sous-payé. L’origine ethnique apparaît ici comme “un facteur aggravant”, comme le démontre la sociologue Carmen Diop, qui travaille sur les questions de genre dans le milieu du travail. La chercheuse a en outre conduit une étude sur cinquante femmes noires diplômées, où elle explore les trajectoires professionnelles et les expérience sociales de chacune.
“Femmes de chambre”
Dans le XVIIe arrondissement de Paris, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles poursuivent leur lutte. Depuis le 17 juillet dernier, elles sont 24, employées par STN (un sous-traitant du groupe Accor), à avoir entamé une grève illimitée pour protester contre leurs conditions de travail. “L’hôtellerie profite de la sous-traitance et donc des femmes. Ils tuent les salariées”, insiste Rachel Keke qui travaille depuis 16 ans à l’Ibis des Batignolles. “Nous sortons de notre hôtel pour demander de travailler dans la dignité et le respect.”
Employées par un prestataire externe, les femmes de chambre ne possèdent pas le statut de salariées de l’hôtel, et ne bénéficient donc pas des avantages de la convention collective hôtelière, comme l’indemnité nourriture par exemple. “Nous étions payées à la chambre, pas à l’heure. Et, pendant la grève, on nous a installé une pointeuse qui nous permet d’être désormais payées à l’heure”, souligne toutefois Rachel Keke, qui ajoute : “C’est une petite bataille de gagnée.” Elle souligne d’ailleurs la banalisation de l’expression “femmes de chambre”, au détriment de celle de “valets de chambre”.
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“En France, la division sexuelle et raciale du travail est très profonde. Des personnes sont assignées à un certain type d’emploi”, relève la responsable syndicale Tiziri Kandi, qui se réjouit que les femmes de chambre aient réussi à organiser leur lutte et à se tourner vers la CGT-HPE. Et ce, étant donné le taux de syndicalisation très bas chez les femmes, et encore plus chez les femmes racisées. “Le travail de nettoyage est très majoritairement fait par des femmes racisées, et elles ont souvent des problématiques administratives (difficultés à obtenir des titres de séjour, etc.), ou des mères isolées. Les employeurs jouent là-dessus pour maintenir les salariées dans des situations de précarité”, martèle Tiziri Kandi.
Pour tenter de lutter contre les inégalités salariales, le gouvernement a mis en place cette année l’index de l’égalité femmes-hommes. Un outil assez critiqué par les syndicats, qui dénoncent le fait que les entreprises s’attribuent elles-mêmes une note, des écarts de barème tolérés, ou encore l’absence de critères comme la non-mixité de certains métiers. “Et les questions de race, on n’en parle même pas…”, souligne la journaliste Arièle Bonte, qui colloabore avec Les Glorieuses. “C’est aux femmes blanches de se poser aussi la question de ce qu’elles peuvent faire”, conclut ainsi Rebecca Amsellem.
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