A l’heure où les libraires et les disquaires indépendants redoutent le pire avec le reconfinement, Les Inrockuptibles donnent la parole aux artistes. Musicien·nes, cinéastes, écrivain·es… Elles et ils témoignent du lien personnel entretenu avec une librairie ou un disquaire, et racontent comment ces rencontres leur ont permis de découvrir une œuvre particulière. Aujourd’hui, le chanteur et écrivain Dominique A se souvient du temps où il arpentait les librairies bruxelloises. #Rendeznousnoslibrairies.
“C’était dans les années 2000 et quelques, je sortais d’une période d’activité, et ruminais dans mon coin à Bruxelles, le moral pas au beau fixe. La seule chose qui me faisait tenir, hormis mes soirées à la brasserie Le Cirio (mais c’est lié, on le verra), c’était mes visites répétées chez les libraires.
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Tout d’abord chez Tropismes près des Galeries Royales, une superbe librairie aux plafonds hauts et aux rayons bien achalandés, malheureusement pour mon compte bancaire. Une fois, passant à la caisse avec une dizaine de livres, voyant le volumineux essai en haut de ma pile, Pourquoi êtes-vous pauvres ? de William T. Vollmann, la libraire me rétorqua en rigolant : ‘Eh ben, vous au moins vous saurez pourquoi…’ J’étais bien, en Belgique.
Ensuite chez Multi BD, sur le boulevard Anspach, plein centre, où je passais parfois tous les deux jours, m’approvisionnant en BD contemporaines, tout en devisant avec de sympathiques vendeurs, passionnés et de bon conseil. Puis, le front encore ruisselant de cette sueur que connaissent bien tous les bibliophiles, je me dirigeais vers Little Nemo, véritable foutoir de seconde main, où vous trouvez sous une pile d’Alix des vieilles éditions du Boulevard de Macherot ou Tillieux à des prix défiant toute concurrence, loin de ceux pratiqués par leurs homologues parisiens. Derrière son comptoir, le patron bougon me faisait systématiquement de substantielles ristournes.
Nanti de ces trésors, j’allais prendre ensuite ma place au Cirio, la brasserie ci-dessus évoquée, et dévorais mes trouvailles jusqu’à ce que l’alcool me fasse buter obstinément sur une phrase ou une case. Durant toute cette période, je crois pouvoir dire sans exagérer que c’est bien ce petit circuit quasi rituel entre ces trois lieux fourrés de bouquins qui m’ont aidé à tenir moralement, à une période où je ne voyais créativement rien venir. Je faisais les courses pour manger, mais si mes achats au supermarché me tenaient au ventre, ils ne me faisaient rien au cœur et à l’esprit. Le tout physiologique a ses limites, ce qui, apparemment, ne relève pas de l’évidence pour tout le monde.”
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Propos recueillis par Franck Vergeade
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