Après une première saison pleine de promesses mais finalement un brin décevante, la série phare de Disney+ revient pour une saison 2. Allongé d’une quinzaine de minutes, le premier épisode dévoilé ce week-end reprend la même formule que ses prédécesseurs. Pour le meilleur et pour le pire ?
En novembre 2019 nous accueillions avec enthousiasme les deux épisodes inauguraux de The Mandalorian, rampe de lancement autant que vaisseau amiral de la plateforme Disney +. Nous évoquions le minimalisme rafraîchissant de la série Star Wars pilotée par John Favreau, sa simplicité formelle autant que narrative, qui renouait paradoxalement avec la dimension mythologique de la franchise la plus célèbre de la galaxie. Mieux, les deux premiers épisodes de The Mandalorian régénéraient le dialogue citationnel qu’entretenait la trilogie de 1977 avec tout un pan du cinéma de genre, western et film de sabre en ligne de mire. Plutôt que nous asphyxier sous le poids de son propre mythe en enquillant clins d’œil connivents et hommages serviles (pourtant devenus la toquade des productions Disney), la série brillait par son aridité, sa force primitive, comme jaillit d’un passé mythologique et immémorial.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La menace fantôme
Hélas, la suite de la première saison tempéra quelque peu nos ardeurs. Rivé à une structure répétitive, chaque épisode se composait selon le même schéma strict : le Mandalorien se rend sur une nouvelle planète, rencontre un nouveau personnage, accepte un contrat, vient à bout de sa cible, empoche la récompense, et obtient un nouveau gadget. Réjouissante dans les deux premiers épisodes, cette structure empruntée aux jeux vidéo (et notamment à la progression dans les jeux de rôle) s’avéra finalement lassante à la mi-saison, nous faisant revoir notre jugement à la baisse. C’est donc avec prudence que nous attendions le retour de The Mandalorian, dont le premier épisode de la saison 2 a été diffusé le 30 octobre sur la plateforme toujours plus tentaculaire de la firme aux grandes oreilles.
Pour peu que vous ayez été cryogénisé dans un bloc de carbonite durant l’année écoulée (et vu l’année, on vous comprendrait), petit rappel des faits : situé chronologiquement entre la chute de l’Empire et l’avènement du Premier Ordre (soit entre Le Retour du Jedi et Le Réveil de la Force) The Mandalorian suit les pérégrinations galactiques d’un chasseur de prime, l’un des derniers Mandaloriens, cette caste de guerriers légendaires vêtus d’une armure et d’un casque intégral (qu’ils n’ont pas le droit d’enlever), et dont le mythique Boba Fett (chouchou des fans de la première heure) fut l’un des fiers représentants dans la trilogie originale. Sillonnant l’espace dans son vaisseau, ce chasseur de prime taiseux qu’on appelle Mando (campé par Pedro Pascal), traque les criminels à travers la galaxie et les livre, morts vifs ou cryogénisés, à ses commanditaires en échange de récompenses sonnantes et trébuchantes. Dans la première saison, après avoir accepté un contrat litigieux auprès d’une cellule terroriste pro-impérialiste, Mando décidait de garder sous son aile la cible qu’il était censé livrer vivante à ses clients malintentionnés : un bébé extraterrestre verdâtre aux grandes oreilles, doté de pouvoirs exceptionnels.
>> À lire aussi : On a classé tous les films “Star Wars” du pire au meilleur
Baby Yoda contre-attaque
Surnommé Baby Yoda par les internautes, et devenue instantanément la coqueluche du web et une véritable égérie de la pop-culture (on ne compte plus les peluches et autres produits dérivés à son effigie), cette petite créature diaboliquement mignonne est une nouvelle fois au centre de l’intrigue. Bien décidé à retrouver le peuple disparu de son petit compagnon, Mando se met à la recherche d’autres Mandaloriens, qui pourraient l’aider dans sa quête. Après un prologue roublard sur une planète malfamée, où les méthodes d’interrogatoire musclées du chasseur de prime autant que sa cape et ses gadgets rappellent une autre figure de la pop-culture (Batman pour ne pas le citer), Mando et Baby Yoda se rendent sur une planète bien familière des fans de la saga : Tatooine. Encore elle, toujours elle.
Sur la planète désertique, qui bien que reculée dans la bordure extérieure de la galaxie aura été le point névralgique de toutes les intrigues de la saga, Mando part à la recherche d’un homme appelé le Marshal, qu’on dit Mandalorien.
Il était une fois sur Tatooine
Comme dans la première saison, la série régénère le dialogue référentiel de la trilogie original en piochant allégrement dans les genres ayant présidé à sa fabrication. Plus que jamais Tatooine devient le décor aride et inhospitalier d’un western interstellaire, et la scène d’arrivée à Mos Pelgo (la ville reculée où réside le Marshal), la profession de foi de ce recyclage cinéphage. Sur fond de guitare saturée lancinante, avec un speeder plutôt qu’un fidèle destrier, le chasseur de prime traverse l’unique rue de la ville désertique, peuplée d’habitants farouches qui lui adressent des regards torves. Et lorsqu’il rencontre finalement le Marshal, le visage dissimulé sous le casque légendaire d’un certain Boba Fett, Mando comprend que ce dernier n’a de mandalorien que l’apparat, et le défie dans un duel purement (Sergio) leonien.
Comme pour parfaire le tableau citationnel, c’est Timothy Oliphant (le héros de la série Deadwood) qui incarne le Marshal. Le reste de l’épisode reprend la structure (désormais bien connue) de la saison 1. Afin d’obtenir une récompense (ici l’armure de Boba Fett que le Marshal avait acheté à des ferrailleurs Jawas), Mando doit aider les locaux à affronter une menace (ici un dragon de Krayt, sorte de ver de sables géant qui sème la terreur dans la région). Rien de révolutionnaire dans ce début de saison 2 donc, qui prolonge l’architecture de la première, et ne semble pas le moins du monde disposée à en altérer le programme balisé. Cela reste malgré tout prenant, et si on peut craindre, à l’instar de la première saison, que ce mode opératoire trop identifié finisse par lasser au bout de trois épisodes, force est de constater que celui-ci est réussi. Tour à tour minimaliste et spectaculaire, généreuse et bien troussée, cette introduction remplit son contrat, dans l’espoir (incertain), que la série parvienne à se réinventer par la suite.
Un nouvel espoir ?
La réinvention, voilà le maître-mot des différends conceptuels ayant secoué le mythe Star Wars ces dernières années, à travers les films conflictuels de la postlogie (et les visions antagoniques de J.J. Abrams en gardien du temple, et Rian Johnson en profanateur), et des spin-off inégaux, le cul entre deux chaises. Sombrer dans le fan-service putassier et l’hommage servile, ou brûler les vieilles idoles ? The Mandalorian semble toujours indécise, et partagée entre un vœu pieux – que la série soit moins inféodée au culte Star Wars qu’au désir de cinéma lui ayant donné vie – et une volonté quasi-contractuelle de cajoler les fans. Ce premier épisode en est la parfaite illustration , à la fois nourri par un imaginaire cinématographique infra-Star Wars, et gavé d’easter eggs un peu faciles. De l’exhumation de l’armure de Boba Fett, au réacteur du module de course d’Anakin transformé en speeder de fortunes, on ne compte pas les références à la saga disséminées avec plus ou moins de délicatesse dans ce simple épisode.
Comment se départir d’un mythe tout en en conservant la force primale ? C’est l’équation difficile à laquelle se livre The Mandalorian. On espère que cette deuxième saison apportera plus de réponses qu’elle n’en posera.
The Mandalorian saison 2, disponible sur Disney +
{"type":"Banniere-Basse"}