Le mois de novembre sera marqué par l’arrivée de nouveaux poids lourds dans l’arène des services de vidéo à la demande : Apple TV + lancera l’offensive avec plusieurs créations originales, quand Disney + dégainera la très attendue « The Mandalorian », issue de l’univers « Star Wars ». On attend également avec impatience le retour du clown triste de « Kidding », des ados perturbés « The end of the F***ing World » ou des (més)aventuriers interdimensionnels de « Rick et Morty ».
See (le 1er novembre sur Apple TV+)
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La firme à la pomme a visiblement décidé d’exhiber ses muscles dans cette création originale pilotée par Steven Knight (Peaky Blinders), parmi les premières destinées à être mises en ligne sur son service de vidéo à la demande : d’abord ceux de Jason Momoa, colosse américain d’origine océanienne dont on avait découvert la plastique ahurissante et copieusement tatouée dans Game of Thrones ou Aquaman ; ensuite ceux d’une direction artistique ambitieuse liant les grands espaces sauvages aux visions d’un futur postapocalyptique.
Organisés en tribus guerrières depuis qu’un virus a décimé le globe, les survivants de l’humanité sont aveugles depuis des générations. Lorsque des jumeaux naissent dotés du sens de la vue dans le clan de Baba Vos, ils attirent la convoitise d’une reine puissante… Il y a quelque chose d’amusant à voir le géant des écrans charpenter son cheval de Troie télévisuel autour d’une telle privation sensorielle et élever la vision au rang de mythe dans un monde dépouillé de toute technologie. Espérons que la dimension épique de la fresque annoncée n’étouffera pas le potentiel ludique de cette belle idée, et qu’on apercevra un peu de sensibilité derrière les muscles de See.
The Morning Show (le 1er novembre sur Apple TV+)
Apple de nouveau, mais dans un tout autre registre, celui de la satire de l’industrie du spectacle à l’heure post – #MeToo, brossée à travers les coulisses d’une matinale télé populaire. Pendant que des millions de spectateurs ingurgitent leurs céréales entre deux bâillements, les yeux embrumés rivés sur leur poste, l’envers de l’écran se déplie comme un champ de bataille perpétuel : guerres d’ego, rivalités professionnelles et scandales médiatiques se succèdent dans l’angle mort des projecteurs. Annoncée comme étant l’une des séries les plus chères de tous les temps, The Morning Show s’attachera plus particulièrement aux destins croisés d’Alex Levy (Jennifer Aniston) et Bradley Jackson (Reese Witherspoon), qui tenteront de survivre dans ce milieu impitoyable.
https://youtu.be/eA7D4_qU9jo
Kidding saison 2 (à partir du 3 novembre sur Showtime)
Quatorze ans après Eternal Sunshine of a Spotless Mind, les retrouvailles attendues de Jim Carrey et Michel Gondry s’étaient scellées en un drôle d’objet télévisuel dont la propension à la joliesse et à la mièvrerie étouffait quelque peu les qualités. Kidding, c’est l’histoire de Jeff Pickles, animateur d’une émission télévisée pour enfants confronté au drame de la mort de son fils. Comment revêtir chaque jour un masque de tendresse quand on s’effondre à l’intérieur, habiter une scène quand on est devenu le fantôme de soi-même ? Décousue et pas toujours bien accordée au registre émotionnel qu’elle entendait déplier, la première saison nous avait pourtant touchés par sa manière d’opérer un bilan mélancolique de la carrière de Carrey, quasiment absent des écrans ces dernières années. La deuxième saison, qui prendra place juste après le cliffhanger de la première, prolongera cette idée de disparition à soi en flanquant Mr. Pickle de petites poupées très « Gondryennes » à son effigie, au travers desquelles il tentera de s’adresser à son public.
His Dark Materials : À la croisée des mondes (à partir du 5 novembre sur OCS City)
Dans un monde semblable au nôtre, la petite Lyra Belacqua découvre par hasard l’existence de la Poussière, une particule élémentaire dotée de conscience qui attise la convoitise du Magisterium, un gouvernement religieux autoritaire. Lorsque son meilleur ami Roger est enlevé pour servir de cobaye à des expériences sinistres, elle entame un périple qui la mènera de Londres au Grand Nord et à la frontière d’univers parallèles. Dotée d’un casting convainquant (au premier rang desquels la jeune actrice Dafne Keen, découverte dans Logan, mais aussi Ruth Wilson et James McAvoy), cette adaptation de la trilogie romanesque de Philip Pullman est une indéniable réussite sur le plan visuel, et parvient sans effort à faire oublier l’échec de la version cinéma édulcorée de 2007. On s’inquiète en revanche du rabotage des thématiques les plus politiques d’une œuvre célèbre pour son progressisme singulier et ses multiples niveaux de lecture.
The End of the F***ing World saison 2 (le 5 novembre sur Netflix)
The End of the F***ing World fait partie de ces belles trouvailles que Netflix dépose dans son catalogue sans crier gare : en seulement huit épisodes de vingt minutes, cette adaptation du roman graphique de Charles S. Forman, créée à l’origine par Charlie Covell pour la BBC, nous avait charmés par sa tonalité singulière, entre humour noir féroce et comédie romantique endiablée. En mettant en scène deux ados torturés (il a des pulsions de meurtre, elle cherche à étancher un appétit sexuel vorace) contraints à la cavale façon Bonnie and Clyde, la série confrontait l’embrasement passionné de ses personnages au cynisme éteint du monde des adultes, et gagnait en intensité jusqu’à son final tragique. Le récit semblait bouclé mais la logique mercantile en a décidé autrement, renouvelant la série pour une deuxième saison placée sous le signe du deuil. Si l’on retrouvera avec plaisir le personnage interprété par Jessica Barden, on se demande par quelle pirouette les créateurs prolongeront la présence de celui d’Alex Lawther.
https://youtu.be/8XvFO83LXBE
Rick et Morty saison 4 (le 11 novembre sur Adult Swim)
Dire que les nouvelles aventures de Rick le scientifique fou et de son neveu de Morty sont très attendues relèverait presque d’un euphémisme tant la série d’animation de Justin Roiland et Dan Harmon (Community), annulée en 2017 avant d’être relancée cette année, a agrégé une communauté de fans solide. Il faut dire qu’en trois saisons et trente-et-un épisodes, Rick et Morty a repoussé bien des limites, que ce soit en terme d’irrévérence ou d’inventivité, d’humour ou de nihilisme. Entreprise de recyclage sous acides de nos références pop, la série est parvenue à constituer un imaginaire aussi riche qu’improbable qu’elle se plaît à revisiter à l’envie dans un geste méta. Elle laisse surtout germer dans les interstices de ses scénarios alambiqués une vision du monde emprunte de mélancolie et des réflexions métaphysiques parfois bouleversantes.
Cinq épisodes seulement seront diffusés cette année, « la moitié de la saison qu’on mérite, mais tout ce que les créateurs ont réussi à livrer » (sic). Au vu de leurs titres, nos deux (més)aventuriers interdimensionnels devraient être piégés dans des boucles temporelles façon Edge of Tomorrow et affronter des robots humanoïdes échappés de Battlestar Galactica. De notre côté, on croise les doigts pour un retour du « Câble interdimensionnel » et de ses émissions délirantes !
The Mandalorian (le 12 novembre sur Disney +)
Pivot du virage stratégique de Disney concernant son expansion de la franchise Star Wars, The Mandalorian constitue également le produit d’appel le plus rutilant de son nouveau service de vidéo à la demande. En partie mise en scène par John Favreau (Iron Man, Le Roi Lion), la série suivra les aventures d’un chasseur de primes interprété par Pedro Pascal (le Oberyn Martell de Game of Thrones) dans les contrées les plus reculées de la galaxie. Elle se déroulera entre les événements du Retour du Jedi (épisode VI) et du Réveil de la Force (épisode VII), soit après la chute de l’Empire et avant l’émergence du Premier Ordre.
Loin des passions héroïques ou tragiques qui caractérisent la saga Skywalker, cette première déclinaison de la franchise sous la forme d’une série en prises de vues réelles s’inscrit dans le sillage plus « brut et réaliste » du spin-off à succès Rogue One, et semble emprunter autant aux codes du western qu’aux imageries de guérilla urbaine. Espérons qu’en troquant l’émerveillement des étoiles contre la poussière des duels, Star Wars ne perdra pas une partie de son âme.
The Crown saison 3 (le 17 novembre sur Netflix)
Si l’on pouvait légitimement en redouter le faste empesé et les atours pseudo-Shakespeariens, The Crown, dont l’ambition est de retracer en six saisons le règne de la reine Elisabeth II d’Angleterre, s’est vite imposée comme une série incontournable. D’abord pour son souci du détail et du protocole qui confère à sa reconstitution fastueuse des arcanes de la royauté une dimension proprement fascinante. Ensuite pour son souffle romanesque irrésistible, qui emprunte autant aux romans russes du XIXè siècle qu’aux meilleurs soaps télévisuels. Enfin pour sa façon d’envisager l’exercice du pouvoir de queen Elisabeth sous le prisme d’un empowerment féminin. Consacrée années 60 et 70, principalement marquées par l’accélération de la décolonisation, cette troisième saison verra l’actrice Olivia Coleman succéder à Claire Foy dans le rôle principal.
https://youtu.be/vLXYfgpqb8A
Mortel (le 21 novembre sur Netflix)
Hormis la récente Marianne, qui témoignait d’une certaine inventivité en matière d’horreur, les créations originales de Netflix en France ne nous ont pour le moment pas vraiment convaincu. De l’accident industriel Marseille à l’anticipation sous Valium d’Osmosis en passant par un Plan cœur bien ringard, le géant du streaming a semble-t-il du mal à sceller une rencontre heureuse entre son système de production et la création française. Annoncé comme un drame adolescent emprunt de magie vaudou, Mortel pourrait changer la donne avec humilité en mettant au premier plan des jeunes actrices et acteurs prometteur.se.s (plusieurs inconnu.e.s mais aussi Corentin Fila, magnétique chez André Téchiné ou Jean Paul Civeyrac) et en investissant le cadre géographique de la banlieue parisienne.
https://youtu.be/CilD1g_wZy0
Servant (le 28 novembre sur Apple TV+)
C’est probablement la série la plus mystérieuse du mois, mais un nom suffit à lui attribuer une place dans ce dossier : M. Night Shyamalan. De retour en grâce après une traversée du désert cinématographique, le réalisateur de Sixime Sens et Split est associé à ce thriller d’épouvante dans lequel un couple adopte une poupée à des fins thérapeutiques après avoir perdu son bébé. Les premiers teasers minimalistes glacent l’échine : on y aperçoit des mains changer la couche d’un être de plastique saisissant réalisme, ou la créature inanimée se balancer dans un landau… Espérons que le cinéaste saura insuffler à Servant le même génie de l’horreur domestique qu’il avait déployé dans The Visit.
Alexandre Büyükodabas
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