110e sur 149 : tel est le classement 2018 du Japon au Forum économique mondial en matière d’égalité des sexes. Si l’on ne peut nier une tendance à la hausse, la situation reste dramatique pour un pays du G7.
De prime abord, la nouvelle est plutôt encourageante : le classement 2018 du Japon en matière d’égalité des sexes a progressé de quatre places au Forum économique mondial, passant de la 114e place à la 110e sur 149. Malgré cette tendance positive, les scandales sur fond de sexisme se sont multipliés l’année dernière. Après l’affaire Shiori Ito qui a permis, en 2017, la révision des modalités concernant les viols dans la législation criminelle, l’événement qui aura sans doute le plus marqué les esprits en 2018 restera la discrimination faite aux aspirantes aux écoles de médecine.
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“Veuillez, vous et votre bébé, quittez la salle immédiatement”
En effet, l’été dernier, l’Université médicale de Tokyo reconnaissait publiquement avoir manipulé les résultats de son examen d’entrée afin que les filles soient désavantagées. Au lendemain de cette révélation, ce fut l’hécatombe. Selon une enquête menée par le ministère de l’Education et rendue publique en décembre, neuf des 81 écoles de médecine du pays avouaient pratiquer la même politique inégalitaire. Le tollé est tel que la toute nouvelle directrice de l’Université médicale de Tokyo, annonçait l’intégration d’une centaine d’étudiantes qui avaient été recalées au concours d’entrée 2017-2018.
Cette affaire, infime partie émergée de l’iceberg, reflète le sexisme terrible qui domine la société japonaise contemporaine. D’une contradiction extrême, l’archipel piétine des compétences précieuses. Après une longue tradition de femmes qui une fois devenues mères étaient automatiquement contraintes au foyer, 71% des Japonaises essaient aujourd’hui de concilier travail et enfants. Mais la discrimination est coriace et dans une large majorité des cas, la place d’une mère de famille dans l’entreprise reste limitée à des postes à temps partiel aux missions peu motivantes, avec des salaires bas et sans reconnaissance des formations et expériences antérieures. Révoltées, certaines n’hésitent plus à s’élever contre ces pratiques d’un autre âge.
“Veuillez, vous et votre bébé, quittez la salle immédiatement.” Les images de cette conseillère municipale, sommée de quitter l’assemblée parce qu’elle avait osé s’y rendre avec son bébé, faute d’avoir trouvé un mode de garde, ont fait le tour de l’archipel. Des mois après les faits, Yuka Ogata, n’accepte toujours pas la virulence des propos du secrétaire de mairie, un homme. “J’ai été élue par les citoyens au même titre que les autres. J’avais le droit de rester dans la salle de conseil. Ses mots m’ont profondément choquée, ce n’est pas ce que j’appelle la démocratie.” L’information avait alors déclenché des réactions mitigées : Yuka Ogata avait-elle eu raison d’agir de la sorte ? La même année, on applaudissait, dans le reste du monde, Jacinda Ardem, Première ministre néo-zélandaise, qui apparaissait à une réunion des Nations Unies avec son nouveau-né.
Egalité des sexes pour main d’oeuvre bon marché
Mère d’une petite fille de 3 ans, Yuka Ogata, quarantenaire au caractère bien trempé, est la seule femme du comité Aménagement de la ville de Kumamoto, dans le sud de l’archipel. Depuis cet épisode, elle fait régulièrement parler d’elle dans les médias nationaux. Dernier fait en date, une allocution, toujours dans le cadre du conseil municipal, où elle fut priée de quitter le pupitre avant même d’avoir parlé car elle suçait une pastille pour la gorge. Les images, retransmises sur la chaine publique NHK, sont particulièrement humiliantes. “J’étais choquée de mesurer à quel point ces hommes, pourtant élus municipaux, peuvent parfois manquer de bon sens.” Un média japonais fait alors le parallèle entre l’attitude agressive des élus envers Yuka Ogata et l’accueil réservé à Theresa May qui, prise d’une quinte de toux lors d’un discours, s’est vue apporter un verre d’eau directement sur l’estrade.
https://twitter.com/nhk_news/status/1050004187315142656
Le problème au Japon est que “la majorité des décideurs sont des personnes accrochées à des modèles anciens, perpétués depuis les années 1980, où l’homme salarié d’une grande firme, est dévoué 24 heures sur 24 et 7 jours/7 à son entreprise pendant que son épouse reste à la maison pour s’occuper du foyer, analyse Yuka Ogata. Ils ne comprennent rien aux problématiques actuelles liées à l’équilibre entre travail et vie privée. De plus, ceux qui défendent l’emploi des femmes, le font avant tout pour répondre à un besoin de main d’oeuvre peu onéreuse et non pour l’égalité des sexes, ni pour un meilleur bien-être social. La seule solution de progrès resterait pourtant de placer des femmes, mères de famille actives rompues à ces difficultés, aux postes de décideuses : elles connaissent mieux que quiconque les obstacles du quotidien des Japonaises d’aujourd’hui.” Mais tant de travail reste à faire. “La femme est si mal considérée dans la société japonaise. Et la plupart d’entre elles n’en ont même pas conscience.”
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