Après « Call The Comet », son nouvel album fougueux sorti en juin dernier, le rockeur anglais est déjà de retour, cette fois avec son autobiographie, « Set The Boy Free », rédigée pendant neuf mois et récemment publiée en français. Le guitariste y retrace sa vie et sa carrière (des Smiths à The The, d’Electronic aux Cribs), à travers des anecdotes passionnantes et dans un style parfait.
Comment s’est déroulée l’écriture de ton autobiographie ?
Johnny Marr : Je n’avais pas envie que ça dure des années. Je m’y suis mis à fond, sans m’accorder plus de deux jours consécutifs de break. J’ai toujours eu envie d’écrire un livre et maintenant je sais ce que ça fait, à quel point il faut savoir se discipliner. Ça n’a pas été simple de m’obliger à ne pas composer des chansons, à ne pas penser à la musique, mais il fallait vraiment que je me concentre là-dessus. Avant de me lancer, j’ai beaucoup réfléchi au ton que je voulais obtenir. J’ai fini par me dire qu’il fallait toujours penser à la personne qui me lirait, peut-être à bord d’un train. Si le lecteur connaît déjà ma musique et mon parcours, j’avais envie qu’il m’aime encore quand il atteindrait la dernière page ! (rires) C’était l’un des critères principaux. Si c’est quelqu’un qui ne me connaît que vaguement, je voulais que ça reste intéressant de découvrir le destin de ce gamin.
T’es-tu inspiré d’autres autobiographies que tu aimes ?
Il y a des années, j’ai lu celle de Marlon Brando, Songs My Mother Taught Me, et je l’ai toujours gardée en tête, tout comme l’un des livres de John Lydon qui s’appelle Rotten : No Irish, No Blacks, No Dogs. Iggy Pop en a sorti une, intitulée I Need More, au tout début des années 1980, mais ce sont vraiment des instantanés de vie collés au hasard. J’en ai parlé un jour avec lui et il m’a dit : « Ecoute, je n’étais pas en très bon état à cette période-là ».
Il se rappelait l’avoir écrite, au moins ?
A peine ! En toute honnêteté, je voulais aussi m’adresser à des gens qui aiment la littérature rock, qui ont lu par exemple Greil Marcus, ou England’s Dreaming de John Savage.
Il y a un passage où tu expliques ta philosophie, un peu inhabituelle dans le rock’n’roll : être fort en étant en bonne santé. Tu cours tous les jours et tu as une excellente hygiène de vie. Est-ce que ça t’est venu par étapes ?
Non, ça s’est fait assez rapidement. Je suis un passionné. Si j’ai quelque chose en tête, je m’enflamme – ça peut être pour me lancer en solo, pour écrire une chanson, pour quitter Portland où j’ai vécu quelques années… Quand mon instinct me souffle que c’est une bonne idée, je fonce. Je ne suis pas irresponsable, ni puritain, ni réellement impulsif, mais je suis toujours poussé par une envie de m’améliorer. Avant, je buvais trop, je fumais, je mangeais mal, bref je ne prenais pas du tout soin de moi. En quelques semaines, j’ai arrêté tout ça. J’avais arrêté la coke bien avant, quand j’étais encore avec les Smiths et que j’ai eu un accident de voiture. Au début des années 2000, je suis allé dans un endroit un peu new age au Maroc pour me refaire une santé. J’avais beaucoup de mal à surmonter la mort de Kirsty MacColl. Toujours dans l’idée d’aller de l’avant, je me suis dit que j’aurais horreur de ressembler à tous ces mecs d’âge mûr qui traînent leur gueule de bois de soirée en soirée. Je n’avais pas envie de vieillir de cette façon-là.
C’est la période des bilans 2018, une année pendant laquelle tu as sorti un nouvel album solo et où tu as passé beaucoup de temps en tournée…
Ça a été une année vraiment intéressante pour moi. Je n’ai pas encore assez de recul parce que je viens de terminer cette longue tournée avant-hier, mais je pense que pendant la semaine qui vient je vais pouvoir me poser et repenser à tout ça. Call The Comet a dépassé mes espérances. C’est de loin mon album solo qui a eu le plus de succès. Cette année, il y a eu des musiciens que je respecte énormément qui sont venus à mes concerts – Peter Perrett des Only Ones, que je n’avais pas vu depuis l’époque où je me faufilais en douce pour le voir en concert, Charles des Pixies (alias Frank Black, ndlr), Ed de Radiohead, Polly Harvey (PJ Harvey, ndlr), Alex de Franz Ferdinand, Eddie Vedder… Ça me fait plaisir d’avoir tous ces témoignages parce que lorsque je compose je traverse parfois des périodes de doutes horribles. Pour les surmonter, j’essaie de garder à l’esprit le nombre de chansons que j’ai écrites depuis mes débuts.
Autobiographie Set The Boy Free (Le Serpent à Plumes)
Album Call The Comet (New Voodoo/Warner)