Briller en solo ou se la jouer collectif ? Le deuxième volet de la saga intergalactique détricote avec malice le questionnement le plus contemporain qui soit. Des réseaux sociaux au Real Madrid.
Il avait fallu un peu moins de deux heures aux gardiens de la galaxie, lors de leur première apparition, pour passer du “je” au “nous”, d’une compétition acharnée pour affirmer à qui mieux mieux sa singularité à un début de collaboration leur permettant d’échapper à la mort. Un fameux personnage arboricole était le symbole de ce passage de relais, déclarant dans un finale bouleversant “nous sommes Groot”, alors qu’il ne connaissait jusqu’ici que trois mots : “je suis Groot”.
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Dans ce deuxième épisode, toujours réalisé par l’habile James Gunn, nous retrouvons les cinq aventuriers intergalactiques en mission, consistant à récupérer des griffes d’un kraken des batteries surpuissantes, au profit d’un peuple d’humanoïdes dorés dont seule la susceptibilité égale la prétention.
Une dialectique individu-groupe
Le décor est ainsi planté dès les premières minutes, qui voient les coéquipiers ne jamais cesser de se la jouer solo, et ne trouver qu’en dernier ressort le sens du collectif leur permettant de remporter le combat. Plus encore que son prédécesseur, c’est autour de cette dialectique individu-groupe, digne du Real Madrid (n’appelle-t-on pas ses joueurs stars les “Galácticos” ?), que va tourner ce film-ci.
Réalisé avec un indéniable sens du rythme, de l’action, de la punchline, ripoliné dans le moindre de ses détails, lorgnant vers L’Empire contre-attaque (ses montages parallèles, ses quêtes de paternité et de fraternité) et Expendables (ses mercenaires râblés, à commencer par Sylvester Stallone),
La dérision finit par tourner au cynisme
Les Gardiens de la galaxie 2 peine toutefois à retrouver le charme du premier. La surprise a disparu, et le goût pour la dérision propre aux productions Kevin Feige – le boss des studios Marvel, véritable auteur au long cours des différentes franchises dont il orchestre en démiurge les crossovers – finit par virer au cynisme.
La problématique est connue : difficile de s’attacher à quoi que ce soit lorsque tout est sujet à retournement et détournement, lorsque le clin d’œil au spectateur-roi fait figure de seule loi. Cela se ressent particulièrement depuis que Logan a remis les pendules à l’heure…
Le révélateur d’un certain kitsch contemporain
Quelque chose cependant résiste à cette implacable machinerie, quelque chose de l’ordre du symptôme, d’abord, puis d’une émotion pure, au bout du compte. C’est que le “moi je” obsessionnel, bien de son époque, s’assume ici comme cœur battant du film, par le biais d’un personnage secondaire troublant, interprété à la perfection par Kurt Russell et vivant, seul, sur une planète nommé Ego. Difficile de faire plus clair.
L’intrigue qui en découle agit comme révélateur d’un certain kitsch contemporain, dont la mise en spectacle permanente de soi et la revendication hystérique de sa sacro-sainte identité (“je suis Groot”, “je suis ceci, je suis cela” comme seul vocabulaire) sont emblématiques.
Par un soudain retournement dramatique, dont le cinéma américain mieux que tout autre a le secret – mu depuis toujours par la certitude qu’une famille se (re)constitue plus qu’elle ne s’hérite –, le film de James Gunn nous arrache des larmes dans son feu d’artifice final, l’un des plus beaux que les studios Marvel nous aient donnés à voir.
Les Gardiens de la galaxie vol. 2 de James Gunn (E.-U., 2017, 2 h 13).
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