Emmanuel Macron avait “oublié” de mentionner la culture le 28 octobre, lors de l’annonce du reconfinement. Jean Castex a confirmé que le secteur serait lui aussi contraint à l’arrêt d’activité lors d’une conférence de presse.
L’appel du Syndicat national de l’édition (SNE), du Syndicat de la librairie française (SLF) et du Conseil permanent des écrivains (CPE) à “laisser nos librairies ouvertes”, lancé le 29 octobre en vue du reconfinement, n’a donc pas été entendu. Lors d’une conférence de presse donnée par le Premier ministre, Jean Castex, le même jour, Roselyne Bachelot a été claire sur ce point : “Les librairies ne font pas pour le moment partie des commerces ouverts. Mais elles pourront, comme les disquaires d’ailleurs, organiser des activités de livraison et de retraits de commandes, c’est-à-dire le “click and collect””.
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En conséquence, le Prix Goncourt, qui devait être décerné le 10 novembre, a été reporté, “par solidarité”. Françoise Rossinot, la déléguée générale de l’académie Goncourt, a affirmé : “Pour les académiciens, il n’est pas question de le remettre pour qu’il bénéficie à d’autres plates-formes de vente.” Car, comme lors du premier confinement, la concurrence d’Amazon et des supermarchés ne faiblira pas.
Librairies fermées, mais Fnac ouverte
Le fait que les boutiques Fnac soient, elles, autorisées à rester ouvertes, est à ce titre incompréhensible. Alors que les libraires s’étaient dotées d’un protocole de sécurité sanitaire éprouvé, les magasins Fnac, souvent immenses, pourront continuer leur activité au prétexte qu’ils vendent du matériel informatique “essentiel au télétravail”, comme s’en est indigné le député de la France insoumise Alexis Corbière.
Les magasins #FNAC vont finalement rester ouverts pendant le #confinement, au prétexte qu'ils vendent du matériel informatique "essentiel au télétravail". Soit. Mais qui comprendrait qu'ils puissent continuer à vendre des livres si les petites #librairies doivent, elles, fermer ?
— Alexis Corbière (@alexiscorbiere) October 29, 2020
https://twitter.com/GregoryBlachier/status/1321853783731773441
Le “click and collect” n’est pour sa part pas suffisant pour consoler les librairies : “Il n’y a pas de commune mesure entre l’activité normale d’une librairie et du click and collect ou des expéditions qui ne représentent qu’un pis-aller, guère plus de 10 % de l’activité”, a expliqué Philippe Touron, directeur de la librairie Le Divan, à Paris, dans Le Monde.
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Les librairies constituaient pourtant une exception dans le pays culturel dévasté par la crise du coronavirus. Entre le 11 mai et fin septembre, les ventes avaient augmenté de 12 % par rapport à la même période en 2019, selon le Syndicat de la librairie française. Preuve que les livres constituent une valeur refuge importante, dont on aura du mal à se passer une nouvelle fois – il n’y avait qu’à voir le monde se presser une dernière fois dans les rayonnages des librairies le 29 octobre.
Derniers achats avant le confinement : les librairies prises d’assaut, à Paris comme ailleurs. pic.twitter.com/nOHTjRkyCw
— . (@DenisCosnard) October 29, 2020
Un monochrome noir
Ce “coup de tonnerre” – pour reprendre l’expression de la ministre de la Culture – est représentatif du choc à nouveau administré au secteur culturel par ce reconfinement. Le fait qu’Emmanuel Macron ne prononce même pas le mot culture lors de son allocution du 28 octobre était un signe avant-coureur : le secteur culturel se retrouvait, dans ses phrases, dilué dans les fameux “commerces non essentiels” et les “établissements recevant du public”. Jean Castex a confirmé les craintes dans sa conférence de presse le 29 octobre : “Les entreprises de l’événementiel et les secteurs du cinéma et du spectacle vivant seront fermés”, a-t-il affirmé, soulignant que cette décision était “douloureuse mais nécessaire pour assurer l’effectivité” des mesures anti-Covid.
Dans son discours à l’Assemblée nationale un peu plus tôt, il avait énoncé une maigre exception : “Pour la culture, nous autorisons le travail préparatoire aux spectacles, les répétitions, les enregistrements et les tournages afin de préparer les activités de demain.” Roselyne Bachelot a confirmé que “dès lors qu’il n’y aura pas de public”, certaines activités seront maintenues : “Tournages, répétitions à huis clos, enregistrements et captations des œuvres sans public.”
Mais ces nuances ne suffisent pas à rendre le tableau moins sombre. Pour le secteur de la culture, c’est un monochrome noir – a fortiori pour le monde de la nuit, comme l’a signalé récemment Laurent Garnier. A l’image du précédent confinement, il est à craindre que les seules entreprises de commerce en ligne – les Gafam, Netflix ou YouTube -, qui ont une vision bien à elles de la culture, en profitent. Pour ce qui est de l’expérience émotionnelle, malgré la magie d’Internet, on repassera.
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