Au Brésil, l’élection de Lula, qui souleva d’immenses espoirs, est ici vue par le biais d’une famille bourgeoise. Un regard vif sur la faillite des espérances.
Le 1er janvier 2003 est le jour où Lula fut investi président du Brésil. Quinze ans après, le duo de réalisateurs Fellipe Barbosa (auteur du très beau Gabriel et la montagne, 2017) et sa complice Clara Linhart (quant à elle assistante sur Casa Grande, le premier film de Barbosa, et productrice de Gabriel et la montagne) reviennent sur cette journée euphorique pour les classes populaires vue par le prisme d’une famille bourgeoise venue fêter la nouvelle année dans la maison de campagne décrépie.
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Dans Domingo, il y a tout d’abord cette ambition, commune au cinéma de Kleber Mendonça Filho, de saisir toute la société brésilienne en partant du microcosme d’un habitat (un quartier, un immeuble, une maison et son jardin) où se mélangent les générations autant que les classes. Au-delà de l’horizon du cinéma brésilien, le dispositif théâtral du film – fait d’une suite de plans-séquences au cadrage large – convoque tant les histoires de coucheries chères à Marivaux que la langueur oisive des pièces de Tchekhov.
Une urgence à filmer et à jouer
Mais on décèle également dans le film une influence consciente du dérèglement progressif à l’œuvre dans L’Ange exterminateur de Luis Buñuel (1962) et une autre influence, moins consciente, celle de La Règle du jeu de Jean Renoir (1939). Comme le cinéaste français, le duo de réalisateurs se livre à une peinture de la légèreté des mœurs d’une société pourrie par la domination des maîtres sur leurs domestiques. Comme La Règle du jeu, Domingo est un film qui pointe la décadence d’une société, dénonce son statu quo mortifère et anticipe l’imminence d’une catastrophe. Il s’agit ici de la faillite de l’espoir que portait en 2003 le président Lula, aujourd’hui emprisonné pour corruption et longtemps favori de l’élection prévue en octobre 2018.
Mais à aucun moment, cette somme de références ne vient étouffer un film au contraire incroyablement vivant. Très ancré dans le présent, celui du jour auquel il fait référence mais également celui d’un tournage qu’on sent ouvert à l’imprévu, Domingo est habité par une urgence à jouer et à filmer qui frôle une hystérie malgré tout légèrement fatigante par moments. Film à décantation lente, son ivresse accouche d’une tragique gueule de bois. Lula était-il un mensonge ? Le Brésil en est là.
Domingo de Clara Linhart et Fellipe Barbosa, avec Itala Nandi, Camila Morgado, Augusto Madeira (Bré., Fra., 2018, 1 h 28)
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