L’idylle entre deux teenagers noirs brisée par un crime policier. Un pamphlet émoussé par une trop grande platitude formelle.
On vante souvent la faculté du cinéma américain à produire, en quasi synchro avec l’histoire de son pays, des chefs-d’œuvre à même de la commenter, voire de marquer durablement leur époque. Des war movies vietnamiens à ceux d’Irak, le théorème se vérifie volontiers. Mais alors que la question des violences policières envers les Noirs embrase à nouveau ces dernières années le débat public aux Etats-Unis, force est de constater que le cinéma peine à la transcender à hauteur des attentes.
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Ainsi on a donc vu The Hate U Give, comme Fruitvale Station il y a quelques années ou Blindspotting plus récemment. Ultra hypé outre-Atlantique, le film raconte la mort d’un jeune Noir lors d’un contrôle de police, et le chambardement qui s’ensuit, du point de vue de sa meilleure amie, seule témoin du drame et enfant des deux mondes (noire, elle étudie dans un lycée blanc).
On comprend bien comment ces films sont utiles à leurs contemporains : façon d’éviter les mauvais nœuds, les ambiguïtés insupportables du récit officiel, et d’offrir aux victimes noires les portraits en martyr qu’elles méritent. Principe cathartique, donc : allons dans la fiction expurger la charge émotionnelle du réel. N’empêche que c’est insuffisant : sans gros défaut (si ce n’est quelques poncifs beaufisants, comme la figure paternelle ex-criminel repenti à grands discours), The Hate U Give reste exactement là où on l’attend.
Récitant sagement les schémas sociologiques qu’on lui demande de déplier, le film semble conçu pour un public venu non pas éprouver une œuvre mais vérifier sa conformité. Le sujet est brûlant, on est bien d’accord – or c’est en bonne conscience de cette difficulté qu’on se demande justement s’il ne susciterait pas, précisément, des excès de prudence chez ceux qui s’en emparent.
The Hate U Give – La Haine qu’on donne de George Tillman Jr. (E.-U., 2019, 2 h 13)
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