Le dessinateur revient sur un épisode fondateur de la carrière de Charlotte Perriand, femme visionnaire et engagée : son voyage au Japon, dans les années 1940.
“Moi, ce que je trouve admirable chez elle – et c’est ce que je répète toujours aux amis qui me disent : ‘pourquoi Charlotte ?’ –, c’est qu’elle est en avance sur son époque sur tous les plans, pas uniquement artistiquement ou d’un point de vue créatif.” Dans l’entretien illustré qui clôt ce livre, discussion instructive menée avec Pernette Perriand, la fille et collaboratrice de Charlotte Perriand, Charles Berberian ne cache pas combien la figure de l’architecte visionnaire, également femme engagée et libre, l’impressionne.
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Un trait vif et sensuel
Au moment où une exposition à la Fondation Louis Vuitton revient sur l’importante contribution de Charlotte Perriand en matière de design moderne, le dessinateur lui témoigne son respect à travers un livre habité et élégant. Au lieu d’opter pour une biographie classique, il a préféré romancer un moment clé de son parcours : la découverte du Japon au tout début des années 1940. Sollicitée en tant que “conseillère dessinatrice en arts décoratifs auprès du ministre du Commerce extérieur japonais” alors que la Seconde Guerre mondiale gronde, Charlotte Perriand part ainsi à l’aventure, laissant Le Corbusier – avec qui elle a collaboré – interloqué par tant d’audace. Au cours du voyage, l’urbaniste reviendra d’ailleurs la hanter sous la forme d’un corbeau persifleur…
C’est à travers les yeux de Charlotte que l’on (re)découvre la culture japonaise traditionnelle, du Livre du thé d’Okakura Kakuzô aux tatamis en passant par les combats de sumo. Si cet hommage se révèle réussi, c’est parce qu’il navigue habilement entre véracité et fiction, s’affranchit, pour mieux cerner son personnage, d’une narration qui aurait pu être trop scolaire. Berberian transforme en effet son sujet en une héroïne de papier magnétique. Grâce à son trait vif et sensuel, il offre à ses gestes ou ses regards une vraie intensité, et caresse du crayon ses inventions. Mixant les techniques et les couleurs, il rend autonome chaque séquence – magnifique ascension d’une montagne enneigée –, combinant le plaisir de la surprise graphique et celui de la reconstitution d’un Japon disparu.
Charlotte Perriand – Une architecte française au Japon 1940-1942 (Chêne/Arte Editions), 128 p., 19,90 €
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