Enfin l’heure du premier album pour Dodi El Sherbini, l’un des rénovateurs les plus singuliers de la variété française, aux paroles surréalistes et au rythme alangui et frissonnant.
“Quelqu’un qui chante tout en suspens les mots suivants, “tout est relatif, tout finit en haïku”, est forcément un chanteur de grande classe. Dodi El Sherbini, c’est lui qui a écrit ces mots, composé et arrangé ces musiques, comme un Chamfort malade des années 2020.” Philippe Katerine
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Il y a quatre ans, sur la foi d’un seul morceau (L’Eternel Retour) et d’une vidéo compilant diverses images VHS énigmatiques, surgissait de nulle part Dodi El Sherbini. Un personnage fantasque et mystérieux, ancien styliste pour le monde de la mode et qui, à 30 ans passés, décidait d’abandonner le luxe pour la précarité musicale. “Je n’ai pas beaucoup réfléchi, nous confie Dodi au téléphone depuis Reims, où il est désormais installé, la mode est arrivée par hasard, alors que la musique est quelque chose dont j’ai toujours eu envie. Mais ce n’est pas un acte de courage, plutôt de l’ordre de l’inconscient. Et puis des journalistes sont tombés sur L’Eternel retour, j’ai eu quelques articles élogieux, les magazines branchés ont suivi, et il y a eu comme une sorte de mini-buzz autour de ma personne. J’ai eu la chance de ne pas passer inaperçu alors que ça aurait très bien pu.”
“Je voulais un disque de variété française”
Paru en janvier 2015, Olympia EP de Dodi El Sherbini – pseudonyme choisi lorsqu’il s’est inscrit sur Facebook pour ne pas avoir à mettre son patronyme civil – déroule en trois titres, dont une reprise du Faut pas rêver issu de la période sentimentale de Patrick Juvet, tout l’univers du mystérieux chanteur et compositeur. Avec ses synthés lourds comme resurgis des années 1980, ses mélodies pastiches des bandes-sons seventies, ses paroles surréalistes (“Leonardo DiCaprio / Etait jeune quand il était beau / Maintenant il ne ressemble à rien / Il a cassé tous ses miroirs / Il ne porte jamais de montre / Il faut bien se ménager un peu”), Dodi El Sherbini sera vite rangé dans la case pratique de la nouvelle pop française, celle de Sébastien Tellier, Flavien Berger, Malik Djoudi et autres.
Une scène qui le laisse perplexe : “Pour être tout à fait honnête, je ne m’y reconnais pas. J’ai commencé à sortir des titres désordonnés, de manière instinctive, qui partaient un peu dans tous les sens. En revanche, l’album est pensé, je voulais un disque de variété française. Selon moi, c’est un type de chansons particulières avec des harmonies chiadées, je pense à Calogero ou à Alain Souchon. J’avais une énorme ambition.”
Fictions, le premier lp de Dodi El Sherbini, aidé par le sorcier du son Stéphane “Alf” Briat, alterne dix saynètes musicales aux paroles surréalistes cisaillées au scalpel, au rythme alangui et aux mélodies 80’s frissonnantes, comme un voyage introspectif qui rend le personnage encore plus mystérieux et insaisissable. “Je voulais mettre un terme à la variété. Qu’après ça, il n’y ait plus rien à faire. En dix chansons, j’ai fait le tour du truc, c’est sympa, ça peut même être beau, mais dans le fond c’est une musique décorative qui souvent ne va pas à l’essentiel. Mais c’était un point de départ nécessaire et je trouve qu’il est très réussi de ce point de vue-là. Ensuite, je ne vais pas me ranger dans la catégorie de ceux qui vont faire ce type de musique toute leur vie. Mon prochain album sera différent musicalement, mais aussi dans l’état d’esprit, ça va de pair. J’ai fait un disque un peu déprimé, mais celui sur lequel je suis en ce moment est plus combatif. C’est celui de quelqu’un qui se reprend en main, alors que sur Fictions, on a plutôt l’impression de quelqu’un qui perd pied.”
Fictions (Kidderminster/Bigwax)
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