[Cet article a été initialement publié sur “Cheek Magazine”] Avec le Comédie Love, les humoristes Mahaut Lou, Lucie Carbone et Tahnee, L’autre tentent de faire bouger les lignes du stand-up, un univers souvent critiqué pour son manque de représentativité. Rencontre avec un collectif qui prône l’inclusivité par le rire.
Et si l’humour était le véritable rempart au manque d’inclusivité dans nos sociétés ? A en croire les trois protagonistes du Comédie Love – Mahaut Lou, Lucie Carbone et Tahnee, L’autre –, cela ne fait aucun doute. Depuis près d’un an, ces trois jeunes comédiennes parisiennes mettent en place dans la capitale des scènes ponctuelles, réunissant des humoristes de tout bord, où règne un climat de bienveillance, de tolérance et d’engagement.
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Un véritable pied de nez au sexisme auquel sont souvent confrontées les humoristes femmes. “Dans le Comédie Love, c’est la bienveillance et l’engagement qui priment. Je ne sais pas si on a toujours fait des choses pleinement engagées, mais on essaye de conserver un cadre bienveillant. On veut privilégier des humoristes qui ont des choses à dire”, explique Mahaut Lou. Et Lucie Carbone de poursuivre : “L’aspect politique, je pense qu’il vient un peu en filigrane. On voulait surtout faire un projet collectif dans lequel on se sent bien.”
Une scène à soi
Le joyeux trio se rencontre en 2018 par l’intermédiaire de Tahnee, à l’époque l’une des organisateur·trice·s de la scène ouverte queer Self-Ish. Au fil de leurs discussions et de leurs interrogations sur l’ambiance de certaines scènes – très masculines et parfois même excluantes –, les trois amies prennent conscience de la nécessité de créer leur propre espace : une scène safe, où le monde associatif aurait tout à fait sa place. “On se plaignait des mauvaises ambiances que l’on peut capter sur les scènes, comme le sexisme”, déclare Mahaut Lou. “Moi, j’ai plein d’anecdotes. On m’appelait Julie au lieu de Lucie. Avec les mecs, il y a ce côté très fraternel en coulisses. Et lorsque tu es la seule nana et d’autant plus quand tu es une goudou, tu ne te sens pas forcément à l’aise”, ajoute Lucie Carbone.
“Pour éviter ça, on a eu l’idée de faire du stand-up queer friendly, et de faire venir des associations (au Comédie Love, une partie des bénéfices est reversée à une association différente chaque soir, ndlr). Mais ce qu’on voulait surtout, c’était mettre l’amour au centre de tout”, ajoute Tahnee, tout sourire
“Je sais que la parole est le vecteur essentiel pour faire passer des idées” – Mahaut Lou
Cet esprit se retrouve dans chacun de leur spectacle individuel – Drama Queen (Mahaut Lou), Badaboum (Lucie Carbone) et Enfin ! (Tahnee, L’autre) programmés actuellement à Paris jusqu’en janvier 2020. “Laisse-moi kiffer la vibe avec ma meuf, je suis pas d’humeur à ce qu’on me prenne la tête”, entonne Tahnee à la fin de son spectacle face à un public conquis.
“Je sais que la parole est le vecteur essentiel pour faire passer des idées. Et je pense que c’est le cas pour nous toutes. On a toutes les trois des stand-up assez engagés et je pense que c’est important de prendre la parole sur des sujets d’actualité”, souligne Mahaut Lou. Aujourd’hui, les trois comédiennes ont réussi le pari d’attirer un nouveau public : “Ce que je trouve cool avec le Comédie Love c’est qu’avec cette bulle de bienveillance, on a réussi à ramener des personnes pas vraiment familières du stand-up, voire pas du tout intéressées au départ, et qui ont fini par adhérer totalement”, explique Tahnee.
Une nouvelle génération d’humoristes engagé·e·es
Comme elles, une flopée d’autrices et d’auteurs sortent de l’ombre et tentent, à coup de sketchs bien ficelés, de porter un discours engagé. Laurent Sciamma et son point de vue d’homme féministe à l’ère post #MeToo, Noémie Delattre et son approche didactique du militantisme ou encore Jo Güstin et sa sensibilité aux problématiques intersectionnelles sont autant d’humoristes à renouveler le genre du stand-up.
“Je me console en me disant qu’il y a une nouvelle génération d’humoristes qui font bouger les choses, comme Roman Frayssinet ou Marina Rollman. Ce sont des personnes que je n’ai jamais entendu faire des blagues sexistes ou homophobes. C’est ce genre d’humoristes qui m’inspirent (…) En fait, je trouve ça cool que les artistes puissent aussi avoir une parole engagée. C’est ce qui me touche le plus”, conclut Tahnee.
Cet article a été initialement publié sur Cheek Magazine
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