“Des instants qui vivent et qui meurent dans la même seconde” : les performances de Catastrophe, collectif explosif emmené par Pierre Jouan et Blandine Rinkel et de Forever Pavot, le groupe d’Émile Sornin, ont fait régner l’éphémère au gré de jeux et d’expérimentations avec le public. Récit d’un (trop) court retour en enfance à la Gaîté lyrique.
“Repensez au premier souvenir que vous avez sur Terre”. Loin d’une retraite mystique organisée au cœur d’une contrée boisée pour se plonger dans les tréfonds inexplorés de son âme, l’expérience se passe au cœur de Paris ce 19 décembre, dans la grande salle de la Gaîté Lyrique. La suggestion a été faite par le pianiste de Catastrophe, collectif qui réunit des artistes de tous horizons.
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Première partie du concert de Forever Pavot, les jeunes musiciens, vêtus de costumes aux couleurs acidulées, s’apprêtent à faire revivre le passé intime qui bruit en chacun de nous. Des volées d’arpèges doux résonnent comme autant d’accords magiques et bercent un public en transe, qui ferme effectivement les yeux. Avec Catastrophe, on ne retombe pas seulement en enfance, on évacue aussi ses peurs : celles-ci, récoltées au gré des rencontres sur de petits papiers avant la performance sont lues sur scène et puis, littéralement, “digérées”. Les interludes pendant lesquels Pierre Jouan, Blandine Rinkel ou leurs comparses s’adressent au public interpellent : ils donnent envie de rire ou pleurer, au choix.
Comédies et déguisements
L’émotion cathartique alterne avec l’énergie folle des artistes qui dansent de manière endiablée et vocalisent en cœur sur tous les tons, du baroque au be-bop. L’ensemble a des allures de comédie musicale, prochain projet en gestation de Catastrophe… Un travail d’orfèvres qui ont cousu pendant une heure de la poésie, du chant lyrique, des berceuses parodiques (“There’s a party in my pussy”) et puis une reprise, Smalltown Boy de Bronski Beat. “Eux, ils étaient pas nés quand c’est sorti”, s’amuse un (jeune) quarantenaire dans les premiers rangs. Une anecdote tentée pour se mettre à distance d’un voyage dans le temps auquel personne n’a échappé, comme le “J’ai faim” braillé du fond de la salle en réponse au premier souvenir conscient.
Forever Pavot, dur au cœur tendre
Avec Forever Pavot, on retombe aussi en enfance. La belle affaire, magnifique ballade (issue de leur dernier album La pantoufle, sorti en 2017) aux accords de piano distordus par une puissante reverb qui appuient une ligne mélodique spatiale, est dédiée par le guitariste à son fils. Le groupe du fertile Émile Sornin – qui outre des clips réalisés pour Alt-J ou Disclosure, a participé au dernier album de Charlotte Gainsbourg – achève là une longue tournée avec l’une de ses dernières dates de l’année.
Pour Christophe Colomb (“C’est la dernière fois qu’on la fait celle-là”), les cinq musiciens enfilent des masques collants et s’improvisent braqueurs de pacotille. Des durs au cœur tendre, à l’instar des personnages du film Les grandes gueules dont la BO signée François de Roubaix est une influence explicite d’Émile Sornin. Le public répond énergiquement, riant et tapant des mains chaleureusement.
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Comme chez Catastrophe, les morceaux s’enchaînent en passant du léger au plus violent, des arpèges baroques emmêlés avec une mélopée de flûte traversière aux ravages d’un jazz et d’un rock progressif, furieusement entraînants. Le groupe joue aussi une reprise… le générique des Aventures de Tintin. Les mains se lèvent alors sur des notes si psychédéliques que l’originale semble un écho bien lointain. À la fin de ces jeux d’enfants, ceux qui ont retrouvé leur âme d’adulte pourront poursuivre la soirée avec Catastrophe et Forever Pavot dans un aftershow qui s’annonce rêveur, au Pardon.
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