Un documentaire sensible qui mêle au journal intime d’une artiste malade le document détaillé d’une œuvre mouvante.
Sur un brancard, une masse informe est filmée en gros plan. Dans les couloirs d’un hôpital dont nous n’entendons que le bruit et ne percevons que très peu l’espace, une petite boule blanche, comme un électron libre, se balade. L’image prête à confusion. S’agit-il d’une installation ou est-ce un simple fragment quotidien de l’artiste Prune Nourry, sujet, « actrice » et réalisatrice du film ?
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Serendipity ne fait que très peu durer le mystère. La jeune française installée à New York est malade d’un cancer du sein. Il y a une ironie macabre dans cette tragédie pour celle qui n’a cessé de placer le corps (féminin), les questions de genre, de fertilité et de bioéthique au cœur de son travail. Corps invisibilisés rendus majestueux (Terracotta Daughters, une armée de fillettes chinoises en terre cuite comme le stigmate de la politique misogyne de l’enfant unique), corps trafiqués (Holy Daughters, une fille à la tête de vache) ou inventés de toutes pièces (les performances des Dîners procréatifs où chacun est libre de façonner son enfant idéal)…
C’est à présent autour du sien, souffrant, d’être le support d’une nouvelle expérience filmique qui ne peut se réduire à un catalogue (même si plusieurs de ses œuvres s’y succèdent par ordre chronologique) mais apparaît d’avantage comme le nouveau jalon d’une œuvre mouvante (à la chronique d’une guérison répondent les images détaillées de son travail) qui, semble théoriser la plasticienne, n’a ni cadre, ni départ, ni arrivée mais se répand partout comme un liquide séminal, dans les moindres espaces, les plus intimes.
Serendipity de Prune Nourry (E.-U., 2019, 1 h 14)
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