La saison 4 de “This Is Us” nous transporte, au-delà de ses permanents voyages dans le temps, dans cette angoisse collective de l’enfance perdue. Pour que rien ne s’arrête jamais vraiment. Bouleversant.
Quand la série de l’illustre inconnu Dan Fogelman a vu le jour il y a trois ans, qui aurait imaginé l’ampleur de la toile humaine et temporelle qui se déplierait sans cesse ? On a beau avoir répété depuis une vingtaine d’années que l’expérimentation appartenait aux productions dites adultes issues du câble, quelque chose de grand se joue dans l’épopée chuchotée de la famille Pearson à travers le temps – rappelons que nous sommes ici en permanence balancés entre passé, présent et futur.
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Un mélange de naïveté, de croyance et de sophistication
Celles et ceux qui critiquent This Is Us pour sa répétition ad nauseam d’une formule larmoyante depuis une quarantaine d’épisodes ont le droit de le penser. Mais il se pourrait qu’ils et elles se trompent de cible, ou choisissent de ne pas voir ce qui s’agite sous leurs yeux.
La lassitude n’est pas toujours la meilleure conseillère, même en période de nuits presque blanches pour cause de binge watching. C’est l’essence même de This Is Us que de jouer sur les deux piliers du récit élaboré par les séries classiques (répétition et variation) avec un mélange de naïveté, de croyance absolue dans les mécanismes à l’œuvre et de sophistication sidérante.
A la question de savoir s’il faut revenir voir la famille (et les scénaristes) creuser sur place pour trouver de nouvelles bribes de vies à mettre en scène, la réponse reste donc claire : il le faut. D’autant plus que Fogelman et les membres de la salle d’écriture ne sont pas aveugles ou naïfs.
Ils travaillent, dans les nouveaux épisodes diffusés depuis quelques semaines, l’idée de nouvelle peau et du renouvellement naturel de la fiction. Il s’agit, de chaque côté de l’écran, de lutter contre la fin de tout, contre nos angoisses personnelles et collectives de disparition, pour nos amours et nos enfances, quelles qu’elles soient.
Jouer avec sa propre mémoire
Le premier renouvellement de This is Us saison 4 s’avère géographique et humain. Randall, Beth et leurs enfants ont changé de ville, débarquant à Philadelphie après avoir quitté le New Jersey. Leur nouveau quartier est en majorité noir, un changement radical par rapport à leur ancien quotidien entouré de bourgeois blancs.
Impossible de savoir encore exactement où cela mènera, mais une chose est certaine : l’enfant adopté qu’est Randall reviendra de manière inépuisable aux sources de son anxiété. Peu importe le lieu, il n’appartiendra vraiment à aucun lieu fixe.
La série introduit aussi dans le premier épisode d’autres personnages, dont une ancienne soldate traumatisée par la guerre et amenée à croiser la route de Kevin. Le bel acteur a décidé de ne plus boire depuis la naissance du fils de sa sœur Kate. Dès qu’un filon s’épuise, une branche repousse ailleurs, contribuant à la prolifération des sentiments, des histoires et des affects.
Tel est le miracle de This is Us, qui parvient à surmonter la plupart de ses baisses de régime. Dans ce début de saison, il semble que la série ait aussi compris qu’elle peut jouer avec sa propre mémoire – qui n’est pas forcément celle des personnages – en superposant, par exemple, des images de Jack et Rebecca dans d’autres saisons avec le temps présent du récit. Le vieillissement des comédiens suffit à raconter une histoire.
Une troisième strate temporelle
C’est bouleversant, mais peut-être pas autant que le sentiment de fin d’été qui enveloppe la famille Pearson lors d’une sortie à la piscine dans l’épisode 2. Père et mère se souviennent que leurs enfants n’attendaient que cela, il y a quelques années. Devenus préados, ils rechignent…
Les deux époques se mêlent. Mais par un tour de passe-passe magnifique, la série rajoute une troisième strate temporelle en introduisant les enfants Pearson quand ils avaient à peu près 5 ans. C’est l’affaire de quelques plans qui se superposent sans coutures à ceux de la famille, à d’autres époques, dans la même posture.
La régénération des images contre la “mort au travail” (expression de Cocteau pour désigner l’essence mélancolique du cinéma – ndlr) est en marche. Une enfance se termine, une autre commence, mais il se trouve que ce sont les mêmes. Comment ne pas louer encore l’éternelle beauté de This is Us ?
This is Us, saison 4, Canal + Séries et MyCanal
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