Transposée par Lilo Baur dans l’époque yéyé, la pièce de Feydeau trouve un cadre idyllique pour glisser d’un gag visuel à une cavalcade de dialogues hilarants.
C’était avant le Viagra. En un temps où les pannes d’érection pouvaient vite mettre la puce à l’oreille des épouses. S’il ne me désire plus, c’est qu’il va voir ailleurs. Voilà ce que pense Raymonde Chandebise (Anna Cervinka) après quelques semaines d’un calme plat suspect dans les bras de son époux.
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Pour irriter un peu plus la démangeaison de la puce, Georges Feydeau ouvre sa pièce par l’arrivée au courrier de bretelles appartenant à monsieur Chandebise en provenance de l’hôtel du Minet-Galant, une appellation qui ne trompe personne sur ses activités nocturnes.
Tornade de jalousie
Georges Feydeau ne se contente pas d’observer avec délices les ravages et quiproquos en série suscités par la jalousie en aiguisant sa plume sur Raymonde et Victor-Emmanuel Chandebise (Serge Bagdassarian), directeur d’assurances. Sa puce est si savante qu’elle contamine tous ceux qui les entourent, Carlos Homénidès de Histangua (Jérémy Lopez), nouveau client de l’assureur, son épouse Lucienne (Pauline Clément), ex-nouvelle meilleure amie de madame Chandebise, et les serviteurs de la maisonnée.
Dès lors, tous les personnages, y compris les personnages secondaires, sont pris dans la tornade – le neveu (Jean Chevalier) et le docteur de l’assureur (Alexandre Pavloff), tous deux clients de l’hôtel du Minet-Galant, Tournel (Sébastien Pouderoux), l’associé de Chandebise qui lorgne depuis longtemps sur son épouse, le couple tenancier de l’hôtel et leur valet Poche, sosie parfait et ivrogne de Victor-Emmanuel.
Avec l’atmosphère des sixties
C’est là qu’intervient avec brio la mise en scène de Lilo Baur. Un bijou de drôlerie réglé comme une horloge, qui saute quelques décennies pour se téléporter du début du XXe siècle aux années 1960 dans un chalet de montagne à la veille de Noël. Autant dire à l’aube de la libération sexuelle. Tout charme et ravit l’œil : le décor d’un intérieur bourgeois et rustique ouvrant sur des sapins enneigés où glissent des skieurs.
Les costumes et les coiffures qui nous ramènent à l’esthétique des séries télévisées de l’époque. Mais plus encore et liant magnifiquement le tout : l’atmosphère des sixties, sa musique, ses pas de twist ou de jerk qui marquent l’entrée en scène des personnages ou les changements de décor à la façon des interludes au temps de l’ORTF.
Folie douce à la Chaplin
On se délecte des dialogues de Feydeau, champion de l’allusion en matière sexuelle, auxquels Lilo Baur donne une ampleur savoureuse à travers le jeu stylisé des acteurs, hyper-expressif dans le visage et empruntant leur gestuelle aux films de Buster Keaton ou Charlie Chaplin.
La cascade de gags mise en place par l’auteur explose au deuxième acte, dans les entrailles de l’hôtel du Minet-Galant, où tous les personnages se retrouvent et se perdent d’autant mieux qu’une des chambres est pourvue d’une tournette qui permet de l’escamoter chaque fois que nécessaire.
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Une folie douce que l’on observe comme à la loupe lors d’un final où la course-poursuite de tous les personnages est jouée au ralenti par une troupe d’acteurs, décidément à son meilleur, se régalant, et nous avec, de nos travers les moins galants.
La Puce à l’oreille de Georges Feydeau, mise en scène Lilo Baur, jusqu’au 23 février, Comédie-Française, Paris
Retransmission du spectacle dans plus de 200 cinémas, les 11 novembre à 17h, 12 novembre à 20h et 1er décembre à 17h.
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