Le journaliste Daniel Schneidermann, créateur du site “Arrêt sur images”, publie une enquête en forme de manifeste pour “dire stop” à la privatisation d’Aéroports de Paris.
RIP (“Rest in peace”) le RIP (Référendum d’initiative partagée) ? Depuis le lancement, le 13 juin dernier, du site internet permettant d’accueillir la signature des soutiens à la tenue d’un référendum portant sur la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP, qui regroupe Orly, Roissy et une dizaine d’autres aéroports), force est de constater que l’émulation des débuts en a pris un coup.
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Elles sont loin, les conférences de presse communes de la gauche, voire même de la gauche et de la droite (puisque la députée LR Marie-Christine Dalloz est aussi à l’origine du déclenchement de la procédure, avec les députés PS Boris Vallaud et Valérie Rabault notamment), pour sensibiliser à cette question. La claque légale promise à Emmanuel Macron par une opposition ragaillardie – par le mouvement des Gilets jaunes notamment – flâne en chemin.
PS, PCF, LFI, Place publique, EELV : la gauche unie contre la privatisation d'#ADP #ADPreferendum pic.twitter.com/ASgZlJplof
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) June 18, 2019
“Pour la planète”
D’après le dernier décompte de Check News, au 10 octobre, 834 000 personnes soutenaient le Référendum d’initiative partagée (RIP), avec un rythme moyen de 2 500 signatures validées par jour depuis le début du mois (en hausse par rapport à la période précédente). Même si l’objectif de 4 717 396 signatures d’ici mars 2020 est encore loin, cette courbe ascendante est déjà un exploit, compte tenu du peu qui est fait pour que l’existence même du RIP soit connue.
Daniel Schneidermann, journaliste fondateur d’Arrêt sur images, récemment auteur d’un livre sur l’aveuglement médiatique face à l’hitlérisme dans les années 1930, a donc subrepticement transformé sa plume en mégaphone. Avec Pouvoir dire stop (éd. Les Arènes), il signe une enquête didactique qui explique en trois chapitres (“Pour la démocratie”, “Pour la planète” et “Pour les biens communs”) les raisons pour lesquelles il faut, selon lui, signer en masse cette consultation.
Lui-même reconnaît qu’il ne connaissait rien au sujet avant de se pencher dessus. D’ailleurs, il aurait préféré “un référendum pour sauvegarder une entreprise de notre univers familier, et nous sommes plus nombreux à être familiers des gares ou des postes, ces lieux de l’ancien monde, que des aéroports, qui ne suscitent guère l’attachement”. Mais il s’est vite rendu compte qu’il y avait des raisons objectives de s’en mêler.
“6 % des émissions mondiales d’équivalent CO2”
La raison majeure est d’ordre écologique. Le journaliste s’appuie sur un article du Monde qui a déclenché son envie d’en savoir plus. Dans celui-ci, le PDG de Vinci, Xavier Huillard, repreneur le plus probable d’ADP (détenu encore à 50,63 % par l’Etat), affirme voir dans ADP des “leviers de création de valeur”, et vouloir “convaincre les compagnies aériennes d’ouvrir de nouvelles liaisons”. Ce vocabulaire de l’extension permanente, de la croissance infinie, ont fait tiquer l’électeur écolo qu’a toujours été Daniel Schneidermann (il le confesse : “J’ai toujours voté écolo.”).
D’autant plus que Vinci a déjà prouvé sa compétence en la matière, en triplant le rythme de croissance des passagers, et en doublant le trafic de l’aéroport de Lisbonne en six ans seulement. Or “l’avion est une bombe écologique”, rappelle l’auteur. Selon l’expert en transport aérien Jacques Pavaux qu’il cite, “le rôle du transport aérien dans le réchauffement climatique à l’échelle mondiale pourrait être aujourd’hui estimé à 6 % des émissions mondiales d’équivalent CO2”.
>> A lire aussi : A l’initiative de François Ruffin, la gauche se rassemble contre la privatisation d’ADP
L’argument est donc rationnel, insiste l’auteur, qui salue au passage l’énergie que met François Ruffin à placer la préoccupation écologique au centre de son argumentaire pour convaincre de signer (le député insoumis sortira d’ailleurs un livre sur l’écologie à la fin du mois). A l’heure où se multiplient les mobilisations demandant une action résolue des gouvernements en faveur du climat, “la privatisation priverait à coup sûr l’Etat d’un levier essentiel, s’il décidait de mener une véritable politique climatique”.
Vive altercation entre @Francois_Ruffin et la majorité. Le député LFI attaque le projet de privatisation de @ParisAeroport, "une entreprise qui marche bien". On lui demande de "baisser d'un ton", le débat s'emballe…#directAN pic.twitter.com/osERwLhK9X
— LCP (@LCP) March 5, 2019
“Il n’est pas trop tard”
Voilà pourquoi, même si les aéroports vous semblent étrangers – ils sont plus souvent fréquentés par les classes aisées que par les classes populaires, en dépit des subventions qu’ils touchent, et de l’exemption de taxe sur le kérosène –, voter contre leur privatisation est d’intérêt public. En critique averti du système médiatique, le fondateur d’Arrêt sur images constate que par leur silence (sans commune mesure avec le traitement du Grand Débat), voire leur black-out, “les grands médias ont offert au RIP un enterrement de première classe”. Mais “il n’est pas trop tard pour le ressusciter, et le faire triomphalement sortir de sa tombe”.
Pouvoir dire stop, de Daniel Schneidermann, éd. Les Arènes, 208p., 15€
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