La psychologue Mary L. Trump, nièce de Donald Trump, publie un portrait psychologique ravageur de son oncle : Trop et jamais assez. Comment ma famille a fabriqué l’homme le plus dangereux du monde (Albin Michel).
La publication du livre de Mary L. Trump, en juillet 2020, a suscité un tremblement de terre médiatico-politique aux Etats-Unis. En 48 heures, plus d’un million d’exemplaires de ce portrait psychologique au vitriol se sont écoulés. Désormais traduit en français chez Albin Michel, sous le titre Trop et jamais assez, cet ouvrage nourri de l’expérience personnelle de l’autrice et de plusieurs entretiens permet de pénétrer dans l’univers familial lugubre des Trump.
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Mary L. Trump, psychologue clinicienne de formation, décrit Donald Trump comme un “menteur pathologique”, doté d’un “trouble de la personnalité antisociale” voire d’une “comorbidité”. Selon elle, on ne peut cependant pas comprendre l’état d’esprit tortueux du président américain sans tenir compte de l’éducation malsaine qu’il a reçue de son père, Frederick Christ Trump (1905-1999). Celui-ci, obsédé par l’argent et la quête du pouvoir, a passé sa vie à humilier son fils aîné, Frederick Trump Jr, jugé indigne d’héritier de son empire immobilier. Alors que “Freddy” subissait les attaques répétées et publiques de son père – au point de mourir à 42 ans, alcoolique et dépressif –, son frère cadet Donald Trump se protégeait des brimades en adoptant et en exagérant le comportement paternel.
“La seule raison pour laquelle Donald échappa au même sort est que sa personnalité servait les objectifs de son père. C’est ainsi que fonctionnent les sociopathes : ils cooptent d’autres gens et les utilisent à leurs fins”, écrit Mary L. Trump dans cette histoire digne de la série Succession. C’est ainsi que le storytelling de Donald Trump, self-made-man ayant fait fortune grâce à des paris audacieux – ce qui est aux antipodes de la réalité – a fait florès, grâce à la bienveillance protectrice de son père, et à son carnet de chèques. “Fred détruisit également Donald, mais non en le liquidant comme il le fit avec Freddy (le père de Mary L. Trump, ndlr) ; à la place, il neutralisa son aptitude à développer et à ressentir le spectre complet des émotions humaines”, avance Mary L. Trump. Voici cinq anecdotes issues de son livre qui pourraient entraver la réélection de l’homme réputé pour boire douze Coca-Cola Light par jour.
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Absence d’empathie
L’absence d’empathie et le mépris d’autrui dont font preuve Donald Trump sont très tôt caractéristiques de sa personnalité. A tel point que, pour gagner, quel que soit le domaine, il ne retient pas ses coups, même face à plus faibles que lui – même des enfants ! “Donald avait fait du base-ball à l’Académie militaire, et il retenait encore moins ses coups que Rob (Robert Trump, frère cadet de Donald, ndlr) ; il ne voyait pas pourquoi il aurait dû lancer la balle un peu moins fort à ses neveux et nièce de six, neuf ou onze ans. Quand je réussissais à attraper une de ses balles, le choc avec mon gant de cuir résonnait comme un coup de feu contre le mur de soutènement en brique. Même avec les petits, Donald devait absolument être le vainqueur.”
Persécution
Mary L. Trump décrit comment, sentant qu’il pouvait tirer profit de la disgrâce de son frère aîné aux yeux de son père, Donald Trump a passé son temps à l’enfoncer, devenant son pire cauchemar. Ainsi, alors que Freddy, tentant d’échapper au joug paternel, était devenu pilote de ligne, Donald Trump le traitait de “chauffeur de bus amélioré”. Et la psychologue de commenter : “Donald ne comprenait peut-être pas l’origine du mépris de leur père envers Freddy, ni la décision de celui-ci de devenir pilote de ligne, mais il avait l’instinct infaillible des persécuteurs pour trouver le point faible de leurs adversaires.” Freddy est mort seul et dans l’indifférence générale, à 42 ans.
Racisme
Politiquement, Donald Trump hérite du racisme de son père. Il fait même la première fois la Une d’un journal en raison d’un procès, en 1973, pour avoir refusé de louer à des Afro-Américains. En 1989, Donald Trump a même acheté une pleine page dans le New York Times pour appeler à l’exécution des “cinq de Central Park” (comme le relate la minisérie Dans leur regard) : “C’était un étalage de racisme sans fard qui cherchait à attiser l’animosité raciale dans une ville qui en débordait déjà. L’innocence des cinq garçons a été entièrement démontrée depuis grâce à des preuves ADN incontestables. Pourtant, à ce jour encore, Donald maintient qu’ils sont coupables : encore un exemple de son incapacité à abandonner un discours qui lui plaît, même quand celui-ci contredit les faits.”
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Machisme
Dans les années 1990, Mary L. Trump a été brièvement sollicitée par son oncle pour écrire un de ses livres à sa gloire. Mais alors qu’elle sollicitait un entretien de sa part, elle se heurtait à un mur. Jusqu’au jour où il lui soutint qu’il avait travaillé sur le livre, en lui tendant une liasse de papiers : “J’ai bossé pour le livre. C’est très, très bon”, dit-il. Le contenu de ces feuilles était en fait un concentré de machisme : “C’était clairement une retranscription d’un enregistrement audio, ce qui expliquait le style très oral. Il s’agissait d’une compilation rageuse des femmes avec qui il avait voulu coucher mais qui, s’étant refusées à lui, étaient soudain devenues les pires laiderons qu’il n’ait jamais rencontrés. Les points essentiels à retenir étaient que Madonna mâchait son chewing-gum d’une façon que Donald trouvait répugnante et que Katarina Witt, une patineuse artistique est-allemande double championne olympique et quadruple championne de monde, avait de gros mollets.”
Incompétence
Enfin, l’autrice dénonce frontalement l’incompétence du 45e président américain, aussi bien en affaires qu’en politique. A propos de son mandat à la Maison Blanche, elle sort la grosse Bertha : “Ce n’est pas le boulot en soi qui le stresse, puisqu’il ne le fait pas (à moins de compter les heures passées devant la télé et les insultes sur Twitter). Ce qui lui demande un travail de titan, c’est l’effort de détourner perpétuellement notre attention du fait qu’il ne sait rien – ni de la politique, ni du sens civique, ni même de la décence la plus élémentaire. Pendant des dizaines d’années, il a reçu de la publicité, bonne et mauvaise, mais il a rarement été soumis à une surveillance si serrée, et il n’a jamais eu à affronter d’opposition significative. C’est toute sa conception de lui-même et du monde qui est remise en question.” Pour elle, “si un second mandat lui est accordé, ce sera la fin de la démocratie américaine”.
Trop et jamais assez, de Mary L. Trump, éd Albin Michel, 336p., 20,90€
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