Dans un récit haletant, Dave Eggers retrace l’épopée intime d’un jeune Américano-Yéménite devenu le roi du café. Un rêve américain comme un pied de nez à la politique de Trump.
Qui a dit que le rêve américain était à enterrer ? Probablement pas Mokhtar Alkhanshali. Américano-Yéménite, 24 ans, musulman, le jeune homme est passé, en moins de cinq ans, de portier à San Francisco à nouveau roi du café.
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L’année dernière, la très prestigieuse Coffee Review a donné la meilleure note jamais attribuée à son arabica yéménite. Et aujourd’hui, une tasse de son trésor noir s’arrache à plus de seize dollars dans les bistrots branchés du monde entier. Mais pour ça, Mokhtar a risqué sa vie.
Dave Eggers aussi croit encore au rêve américain. Peut-être parce que ce bouillonnant écrivain, fondateur de la maison d’édition McSweeney’s et de la revue The Believer, lauréat d’un American Book Award et du prix Médicis du roman étranger, a également dû ramer pour y arriver après la mort précoce de ses deux parents.
La débâcle de administration américaine
Aujourd’hui, le second raconte l’histoire vraie du premier dans Le Moine de Moka, un récit d’initiation fascinant aux airs de grand roman d’aventures. Une épopée intime et entrepreneuriale où se mêlent l’histoire du café, celle du Yémen et celle d’un minot du ghetto qui a refusé de se laisser piéger par le déterminisme.
Tout commence par une statue en face du building où Mokhtar officie comme portier. Un immense “homme vêtu d’une dishdasha qui portait une tasse géante à sa bouche”. Un Yéménite buvant un arabica. Car la première tasse de l’histoire, c’est dans le port de Moka, sur la mer Rouge, qu’elle a été préparée. Apprenant cela, le jeune autodidacte est gagné par la fièvre de la fève et brûle de “ressusciter l’art du café yéménite et lui redonner sa place de premier plan dans le monde entier”. Sur les traces de l’aventurier du grain, guidé par la plume limpide d’Eggers, le récit embarque alors pour le Yémen où la situation dégénère : c’est sous les bombes saoudiennes, entre les kidnappings et les tirs de snipers que Mokhtar négocie ses premières tonnes de fèves.
Epique, sans oublier d’être politique, l’auteur ne manque pas de rappeler au passage la débâcle d’une administration américaine qui a abandonné ses ressortissants dans un Etat en guerre civile. Il ne cache rien non plus du racisme flagrant d’un pays dirigé par un homme, Donald Trump, dont l’une des premières mesures présidentielles a été d’interdire l’entrée aux ressortissants de sept pays musulmans. Parmi lesquels le Yémen. Un autre genre de péril auquel a dû échapper Mokhtar Alkhanshali.
Le Moine de Moka (Gallimard), traduit de l’américain par Juliette Bourdin, 384 pages, 22 €
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