Une exposition d’affiches, posters et autres tracts célèbre l’héritage de mai 68 et explose les carcans de l’œuvre d’art unique et précieuse.
Il y a certaines œuvres que l’histoire ne recouvrira jamais de sa patine. Ainsi, retomber à Bruxelles sur les affiches réalisées lors de mai 68 dans ce qui fut rebaptisé à l’époque l’ex-école des Beaux-Arts de Paris procure une étrange sensation.
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Non pas en raison du contexte dans lequel elles prennent place au sein de l’exposition RESISTANCE organisée à Centrale autour des pratiques d’artistes en dissidence.
Mais plutôt parce que ces affiches retrouvent en ce moment toute leur charge symbolique tandis que l’école, non pas l’ex mais l’actuelle, est à nouveau devenue l’arène d’une lutte contre les hégémonies structurelles.L’ombre simiesque des Guerilla Girls
Lorsque l’ancien directeur Jean-Marc Bustamante était poussé à la démission pour avoir ignoré des affaires de harcèlements sexuels, c’est encore l’ombre simiesque du collectif Guerilla Girls que l’on croit voir réapparaître à l’horizon. Formé à New York en 1985, le groupe milite depuis contre la sous-représentation des femmes dans le monde de l’art.
Sous leurs masques de gorilles, ces artistes femmes laissent planer le doute sur leur identité et l’ampleur de leur mouvement, qui dès lors semble prêt à frapper partout et n’importe quand. A Bruxelles, elles exposent des banderoles frappées de slogans ultra efficaces ainsi que des tracts imprimés de statistiques irréfutables.
Alors que l’année de célébration de mai 68 et ses innombrables expositions d’art engagé touche à sa fin, ce sont finalement les posters et autres tracts dont on s’est le moins lassé. A Centrale, on se délecte ainsi des affiches de Wolfgang Tillmans, un format à imprimer chez soi depuis le site de l’artiste qui apparaît dans le travail du photographe en 2016.
L’année du Brexit, il entreprend ainsi une grande campagne de soutien à l’Union Européenne, campagne qu’il réitérera en 2017 lors des élections fédérales allemandes – les affiches présentées dans l’exposition en sont issues.
Modes d’action directe et œuvres biodégradables
Quant à Gustav Metzger, pionnier de l’art écologique dès les années 1960, il initiait en 2007 avec ses tracts “RAF/Reduce Art Flights” une opération de sensibilisation visant à réduire la taxe carbone du monde de l’art. L’engagement des artistes par les affiches et les modes d’action directe entraînera également une répercussion sur la matérialité de l’œuvre d’art elle-même.
Car l’étude de l’héritage de 68 dégage en parallèle une autre généalogie, celle de sa désacralisation. Autour notamment du groupe Fluxus, de nombreux artistes s’en prennent à l’œuvre d’art précieuse et impérissable, qu’ils considèrent comme un reliquat hérité de la culture bourgeoise.
Connu pour ses œuvres biodégradables et proche de Fluxus, le suisse-allemand Dieter Roth en fournit l’un des exemples ultimes. En 1967, avec la série des Literaturwurst , mot à mot “saucisses de littérature”, il transforme en boudin organique les grands chefs-d’œuvres de la littérature. Pendus au plafond par leur ficelle, les totems culturels des anciens apparaissent tout de suite moins menaçants. Et laissent enfin le champ libre à une jeunesse en mal d’invention.
RESISTANCE jusqu’au 27 janvier à Centrale for Contemporary Art à Bruxelles
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