L’avocat de la famille de la victime demande que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) soit saisie.
Le Parquet de Pontoise a annoncé, ce jeudi 10 octobre, l’ouverture d’une information judiciaire, placée sous la direction d’un juge d’instruction, pour “homicide involontaire contre X”, dans le but de faire la lumière sur la mort d’Ibrahima B. L’avocat de la famille de la victime, Me Yassine Bouzrou, a déploré au micro de France Info ce jeudi “que le procureur de Pontoise ait attendu aussi longtemps avant de saisir un juge indépendant” et demande à ce que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) soit saisie.
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En effet, des zones d’ombre perdurent sur les circonstances de la mort d’Ibrahima B., âgé de 22 ans. Dimanche 6 octobre, le jeune homme serait, selon le préfet, arrivé à moto “à vitesse élevée” dans la rue Salvador Allende, à Villiers-le-Bel dans le Val-d’Oise, où se trouvaient trois véhicules de police. Tandis qu’un agent lui aurait signifié de ralentir, le jeune homme serait “monté sur le trottoir, réaccélérant avant de freiner brutalement et de perdre le contrôle de sa machine”.
Dans sa chute, il aurait “violemment percuté” un poteau, malgré les gestes de premiers secours pratiqués par les policiers, Ibrahima B. n’a pas survécu. Voilà la version officielle, indiquée – sans conditionnel – par le préfet du Val-d’Oise via un communiqué.
Deux versions qui s’opposent
Mais des témoins donnent une version tout autre du drame. “Quand ils ont entendu le bruit de la moto qui s’engageait dans la rue, un camion des forces de l’ordre a démarré et lui a bloqué la route. Pour l’éviter, la moto a voulu monter sur le trottoir. Mais elle a guidonné. La moto a volé sur la route, et lui, dans le poteau”, ont raconté au Parisien deux hommes présents au moment des faits.
Ce mercredi 9 octobre, l’un des témoins a été entendu par les services de police de la sûreté départementale, en charge de l’enquête. L’Obs, qui s’est procuré le procès-verbal, révèle une partie de son témoignage. Ainsi, “la collision aurait eu lieu contre un ‘fourgon de police’, qui s’est ‘déporté très rapidement’ sur le chemin d’Ibrahima B. », écrit l’hebdomadaire.
“Je pense que le motard a cru qu’il allait avoir le temps de passer. Mais il s’est vite rendu compte qu’il n’aurait pas la place, alors il a freiné au point de bloquer sa roue arrière sur facilement deux ou trois mètres avant le choc contre le fourgon. J’ai vu aussi que l’arrière chassait un peu, et que le motard a tenté de ralentir comme il pouvait”, aurait déclaré le témoin lors de son audition. “J’ai vu le motard voler de sa moto (…) [il] a été projeté en direction du poteau (…), il s’est enroulé autour au niveau de son ventre (…). Il s’est retrouvé raide à côté du poteau », a-t-il poursuivi.
L’homme indique être ensuite sorti de sa voiture et, sous le choc, avoir interpellé les policiers sur la scène qui venait de se dérouler, “c’est là qu’un policier m’a attrapé par le col et m’a poussé”. Alors que le fonctionnaire lui ordonnait de retourner dans sa voiture, deux autres agents seraient arrivés, l’un matraque à la main, l’autre, “plus calme”, indiquant que les secours étaient en route. Une version tout à fait différente de celle avancée par le préfet le soir de la mort d’Ibrahima B.
L’avocat et la famille n’ont pas eu accès aux images de vidéosurveillance
Maître Yassine Bouzrou a déclaré sur France Info que “la seule manière de trancher est de visionner des images de vidéosurveillance”, “c’est la raison pour laquelle nous souhaitions avoir des images”, a-t-il fait valoir.
Me Bouzrou a indiqué avoir demandé, conjointement avec la famille, à visionner lesdites images, mais “le procureur de la République n’a pas daigné répondre à une demande simple légitime”. “Nous trouvons que l’attitude du procureur est tout à fait étonnante dans ce dossier”, a-t-il encore ajouté, indiquant avoir demandé à ce que l’IGPN soit saisie.
Par ailleurs, Me Bouzrou et la famille d’Ibrahima B. n’ont pas non plus eu accès au rapport de l’autopsie, pratiquée lundi 7 octobre, malgré les “demandes à plusieurs reprises” adressées au procureur. “Le procureur a été totalement inhumain vis-à-vis de mes clients en refusant de communiquer un rapport d’autopsie qui a été réalisé. Là encore, je ne comprends pas son attitude”, a déploré l’avocat.
Ibrahima B. était bien propriétaire de sa moto
Une révélation de L’Obs vient par ailleurs mettre en cause une autre partie de la déclaration du préfet du Val-d’Oise. Le magistrat affirmait dans son communiqué, publié le soir de la mort du jeune homme, que la moto qu’il conduisait avait été “signalée volée”. Or, d’après le certificat de cession du véhicule, que s’est procuré l’hebdomadaire, Ibrahim B. était bien le propriétaire de sa moto.
Le préfet du Val-d’Oise a menti, la moto d’Ibrahima n’était pas volée elle lui appartenait.
@lobs s’est procuré le certificat de cession qui prouve bien que le véhicule lui appartenait.
Toujours les mêmes mécanismes de criminalisation des victimes noires et arabes à l’œuvre. pic.twitter.com/ktbHkyH8N6
— Taha Bouhafs (@T_Bouhafs) October 10, 2019
L’instruction, qui a été ouverte ce jeudi 10 octobre, aura la charge de répondre aux multiples questions restant encore en suspens et qui empêchent, pour l’instant, de connaître les circonstances exactes de la mort du jeune homme de 22 ans.
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