Le destin d’une bande d’ados à Salem traquées comme des sorcières. Une série B teigneuse et féministe.
Il faut l’avouer, avant sa découverte à l’écran, Assassination Nation était l’objet de plusieurs a priori de notre part. Avec son affiche et son trailer promettant un cocktail bien chargé d’ultra violence et de LOL, le film nous inspirait une certaine méfiance. Un sentiment hâtif pas franchement contredit par les premières minutes du film. Un montage épileptique assommant nous avertit de ce que nous allons voir : du sexisme, de la transphobie, du racisme, une tentative de viol, de la torture…
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Passé cette intro puérilement agressive à la Gaspar Noé, le film parvient à surprendre. Non pas que sa provoc, son outrance systématique ou son mauvais goût ne s’efface miraculeusement par la suite, mais plutôt parce que de cette bouillie informe surchauffée d’effets de style découle un objet ultra contemporain inattendu, à la fois teen movie sensible, revenge movie MeToo et brûlot féroce contre une Amérique qui pourrit de l’intérieur.
En prenant pour tableau le destin d’un groupe d’adolescentes dans la ville de Salem, Sam Levinson filme avec autant de fascination que de dégoût les stigmates de notre époque : l’omniprésence des réseaux sociaux, le pouvoir destructeur de l’image, le puritanisme nécrosé d’une société nourrie pourtant par l’imagerie du porno.
Suite à un hacking général, la guerre civile jaillit à Salem en même temps que son funeste passé moyenâgeux. La bande d’adolescentes devient injustement la cible des habitants, des sorcières à livrer au bûcher. Mais, beaucoup moins cynique qu’il ne le laissait croire, Assassination Nation fait triompher cette fois-ci les opprimées. Surtout, il s’inscrit opportunément dans une certaine réactivation du mythe de la sorcière comme symbole de résistance. La fin du film prend la forme d’une parade saisissante, en forme d’allégorie d’un récent slogan féministe : “Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler.”
Assassination Nation de Sam Levinson (E.-U., 2018, 1 h 48)
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