Avec “Epiphania” et “Préférence système”, Ludovic Debeurme et Ugo Bienvenu nous projettent dans un avenir proche où les questions d’une société à bout de souffle deviennent explosives.
Parti reconstruire son couple lors d’un camp d’entraînement amoureux, David perd Jeanne dans une catastrophe naturelle. Endeuillé, il revit en recueillant Koji, un petit garçon étrange sorti de terre qui appartient à une race à moitié animale, les “Epiphanians”, également désignés par l’opinion publique comme les “Mixbodies”. Avec la trilogie Epiphania, Ludovic Debeurme est parti d’un sujet intime pour bâtir un récit d’anticipation politique qui finit par concerner la terre entière.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Par le biais d’une intrigue prenante, il aborde des questions écologiques ou philosophiques qui se révèlent de plus en plus pressantes – comment vaincre la peur de l’autre, comment survivre sans nuire à notre environnement. Le charme à la fois onirique et violent de cette conclusion magistrale opère grâce à l’aisance graphique dont Ludovic Debeurme fait preuve.
Fable SF et odyssée de l’espace
Servant un scénario aux scènes de plus en plus spectaculaires – on y voit des combats de titans –, son trait expressif trouve l’équilibre entre la nervosité, la puissance d’évocation et la lisibilité. Epiphania rejoint ainsi le cercle des œuvres visionnaires à la Akira de Katsuhiro Otomo, dont une seule lecture ne suffit pas à épuiser les richesses.
S’il ne marque pas le début d’une série, Préférence système s’empare avec acuité d’un autre sujet préoccupant, le stockage de datas. Cette fable de science-fiction, annonçant l’effacement d’un monde, met en scène Yves, un homme dont le travail consiste à supprimer de la base de données des œuvres oubliées. L’employé entre alors en rébellion pour sauvegarder 2001 : l’odyssée de l’espace, du Rimbaud ou une chanson de Céline Dion.
Au même moment, sa compagne Emy et lui attendent un bébé porté par leur robot d’appartement. Dans cet album dérangeant à l’esthétique glaçante de réalisme, quasi photographique, Ugo Bienvenu met avec malice l’humanité face à ses contradictions. Préférence système imagine un avenir d’autant plus inquiétant qu’il semble tangible. Mais, comme Debeurme, le dessinateur sème une graine d’espoir.
Epiphania tome 3 de Ludovic Debeurme (Casterman), 136 p., 23 €
Préférence système d’Ugo Bienvenu (Denoël Graphic), 168 p., 23 €
{"type":"Banniere-Basse"}