Le Festival d’Automne à Paris consacre un cycle à l’œuvre du compositeur Claude Vivier. En point d’orgue, une version scénique de « Kopernicus, un rituel de mort ». Le metteur en scène américain Peter Sellars dresse le portrait du compositeur.
» Sa biographie est étonnante. Il avait ce petit côté ‘ spirit child ‘ comme un jeune prophète « , résume Peter Sellars à propos du compositeur canadien Claude Vivier, célébré par le Festival d’Automne à Paris. Né de parents inconnus, adopté par Les Vivier à l’âge de deux ans, il semble vivre dans ses mondes intérieurs. Au point qu’on le pense sourd de prime abord. » Je suis et je serai tout le temps, immortellement ou éternellement, un enfant « , déclara-t-il un jour. Il fréquente les pensionnats des Frères Maristes, s’imagine une vie en religion avant de renaître à la musique via le Conservatoire de Montréal. Il suit les classes de piano d’Irving Heller et de composition de Gilles Tremblay.
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Très tôt, le metteur en scène américain Peter Sellars s’est intéressé à l’œuvre de Vivier. » Sa musique évoque à la fois des rituels et des gestes anciens. On est avec Claude Vivier dans le royaume du secret. Il semble en connexion spirituelle avec le passé. Toutes ces images se télescopent entre ce moment du XIIe siècle avec les troubadours, mais aussi avec les cultures d’Orient. Imaginez un dialogue entre le soufisme et le cabalisme… Mais il y a tout autant chez Vivier son rapport au modernisme, son obsession pour Stockhausen, son approche des nouvelles technologies. C’était les années 70, au moment de cette sorte de libération de toutes les formes. »
En 1971, Claude Vivier vient étudier à Utrecht puis passera l’année suivante à Paris. En 1972, c’est Cologne. Et Stockhausen. Enfin. Peter Sellars partage avec Claude Vivier une passion pour l’Asie : le Canadien séjourna ainsi au mitan des années 70 au Japon, en Thaïlande et à Bali. » Bali et ses cérémonies de crémation, c’est aussi un moment fort de ma vie « , reprend Sellars. Ce rapport aux esprits, à la mort, le tout porté par des danses et des musiques à base de gamelans, influencera le théâtre de Peter Sellars comme la composition de Claude Vivier. Ce dernier écrira : » Je réalise de façon patente que ce voyage n’est finalement qu’un voyage au fond de moi-même. » Des partitions comme Shiraz ou Bouchara sont comme des journaux de voyages en musique. » Nous avons, dans nos sociétés occidentales, inventé les hôpitaux. Mais on ne sait pas comment mourir. En Asie, on prépare la mort « , ose Peter Sellars. Il a trouvé dans Kopernicus, un rituel de mort de Claude Vivier, une double ouverture. » Deux parties, une musique à la fois légère et transcendantale. A mes yeux, c’est une musique du futur. Elle est en équilibre sur un fil comme s’il y avait un temps intérieur propre à Vivier. » Pour Kopernicus, un rituel de mort, le compositeur convoque dans un opéra Agni, personnage central, mais également Lewis Carroll, La Reine de la nuit, Copernic et sa mère, ou Tristan et Isolde. » Trouver l’âme de l’humanité, la remettre en face d’elle-même, remettre l’individu face à lui-même et à l’infini, face au mystère total qu’est l’univers, le contempler, pouvoir enfin s’y trouver « , écrivait Claude Vivier.
» On ne peut pas faire n’importe quoi avec cette œuvre, il faut être très précis. L’écriture de Vivier était intense reflétant deux sensibilités en lui. » Le livret signé Vivier est en français et » une langue inventée « . Peter Sellars rebondit : » Enfant déjà, Claude parlait des langues inventées comme s’il voulait dialoguer avec les esprits et les présences. La pièce est dédiée à Copernicus. Ce n’est pas un hasard. » Sellars affirme également que, comme d’autres compositeurs – il cite Haendel -, Vivier a peut-être été piégé par » son époque « . Et de poursuivre, conscient de la force de cette musique, en disant que » les créations de Vivier nous font entrer dans un monde qui nous est interdit « . Claude Vivier sera assassiné à Paris dans la nuit du 7 au 8 mars 1983. Il a 34 ans. » Je crois qu’il savait qu’il allait mourir jeune ; il en était conscient comme Mozart l’a été. Cela est triste mais d’une certaine façon Claude Vivier voulait se libérer. » Et Peter Sellars de conclure avec ces quelques mots : » Des mondes de la vie, de la mort, à une vie nouvelle, la musique de Vivier trouve la paix au-delà de la paix, le repos sacré dans l’action métaphysique. Les visionnaires sont là. Nous n’avons plus à avoir peur. »
Kopernikus, un rituel de mort, d’après la pièce de Claude Vivier, mise en scène Peter Sellars. Du 4 au 8 décembre au Théâtre de la Ville – Espace Cardin avec le Théâtre du Châtelet. Du 17 au 19 décembre au Nouveau Théâtre de Montreuil.
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