La réalisatrice révélée en 2008 par LOL met en scène une Dalida détruite par les hommes. Malgré un premier mouvement un peu éparpillé, un biopic lucide et virulent.
Lisa Azuelos a fait un film sur Dalida sans l’aimer particulièrement. C’est elle qui le dit. Sans l’aimer, et donc possiblement sans plan d’attaque. Initié par Orlando, le frère et ayant-droit de la diva italo-égyptienne (interprété dans le film par le beau Riccardo Scarmarcio), qui fut aussi son producteur, Dalida fait tout d’abord un peu peur par son exhaustivité qui n’a l’air de trancher dans rien (la jeunesse au Caire, les premiers succès à l’Olympia, le mariage, etc.) tout en réalisant le dommageable exploit de ne jamais montrer la chanteuse au travail (les débuts dans les cabarets, l’exigence artistique…).
Dalida, créatrice ? Plutôt bête de scène, machine à tubes née sous les sunlights du music-hall pour muter en reine du disco dans les années 1970 ainsi que l’illustrent les nombreux montages-cut en chanson à sa gloire. Mais ce n’est pas, là encore, le sujet du film, qui trouve son souffle en édifiant un portrait d’amoureuse ogresse et chagrine, dont la vie entière sera jalonnée d’extases et de ruptures sentimentales, et pire encore, marquée par le suicide de ses amants.
Trois hommes qui auront tenté en premier lieu de tirer partie de son talent : Lucien Morisse, directeur d’Europe 1, son premier mari (Jean-Paul Rouve) ; Luigi Tenco, un crooner italien écorché (Alessandro Borghi) ; Richard Chanfray, un faux aristocrate (Nicolas Duvauchelle en cape et chemise à jabot)…
Sphinx blessé
A toutes les étapes de l’édification du mythe, il est question de sa tentative de récupération, massive, par les hommes. Face à ces mâles envieux et enjôleurs, autoritaires et autodestructeurs, leur célèbre compagne (formidablement incarnée par Sveva Alviti, une Italienne inconnue de 32 ans) ressemble à sphinx blessé. Une femme hors norme très abîmée par ceux qui, après l’avoir exploitée, seront allés jusqu’à instrumentaliser leur propre mort pour l’atteindre.
Sans renoncer aux sirènes du biopic laudateur, Azuelos en profite pour glisser une charge remarquable et très bien vue sur l’ingénieuse tyrannie (violence, paternalisme) des hommes sur les femmes, surtout quand elles sont puissantes, sur fond de démêlés de la chanteuse avec le sexisme et la misogynie ambiante de l’époque.
Dalida de Lisa Azuelos (Fr., 2016, 2 h 04)