Minervini est allé à la rencontre de la communauté afro-américaine de la Nouvelle-Orléans. Un documentaire puissant, taillé dans un noir et blanc incandescent.
“WHAT YOU GONNA DO WHEN THE WORLD’S ON FIRE ?” impose Roberto Minervini au rang des grands documentaristes de l’époque. Son cinquième long métrage – après sa “trilogie texane” et The Other Side (qui s’intéressait à des rednecks proto-trumpistes en Louisiane) – prend place à La Nouvelle-Orléans, et suit une poignée de personnes qu’on peut qualifier de personnages tant ils ne se différencient pas de ceux d’une fiction. Plutôt que de faire un documentaire “sur”…(le racisme, la pauvreté, la violence…), Minervini a fait un film “avec”.
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Avec Judy tout d’abord, la plus émouvante de tous, mère célibataire afro-américainequi ouvre un bar dans le quartier historiquede Treme (le même que celui de la série de David Simon) et lutte pour le garder sous la pression de la gentrification. Avec Kevin ensuite, chef d’une tribu indienne préparant Mardi gras, aidé par Judy. Avec Ronaldo et Titus, deux frères adolescents qui sillonnent les rues en philosophant avec une impressionnante maturité. Avec Krystal Muhammad enfin, actuelle présidente des New Black Panther, qui enquête sur l’assassinat raciste de deux jeunes hommes noirs, et tente de dépasserles défaillances, voire l’hostilité de la police. Cinq voix donc, pour un film choral d’une force poétique sidérante.
Il n’y aura là nulle révélation majeure sur les habituels fléaux de l’Amérique – à moins d’être totalement ignorant du sujet –, pas plus qu’une quelconque forme de discours militant, même si les incantations des Black Panther, dont on est rassuré de voir qu’ils n’ont rien lâché deleur intransigeance, impressionnent.Roberto Minervini n’est pas Michael Moore, et ses personnages ne sont pas les porte-paroles d’une cause. En revanche,chaque plan de son film, taillé dans un noir et blanc incandescent, est un plan de cinéma.
“Taillé” car c’est d’abord la sculpture qu’évoque l’art minervinien, avec ses gros plans granitiques, arrachés patiemment au réel – ces centaines d’heures de rushs qu’on devine derrière les cent-vingt minutes finalement montées. Mais cela ne saurait suffire, et le cinéaste (d’origine italienne, vivant au Texas depuis quinze ans) est aussi un grand conteur, dont la puissance passe par les mots. Ceux prononcés devant la caméra par les incroyables Judy ou Ronaldo pourraient ainsi sans peine être des mots d’écrivains – et peut-être le sont-ils, qu’importe, il n’y a pas à différencier ce qui est écrit et ce qui est capté. Tout ce qui compte est qu’on pourra les écouter tout le jour et toute la nuit, quand le monde sera en feu.
What You Gonna Do When the World’s on Fire ? de Roberto Minervini (E.-U)
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