Diffusée sur Facebook; “The Third Day : Automne” éprouve les limites du format télévisuel par un geste artistique d’une radicalité folle. Avec un Jude Law à l’investissement physique bluffant.
Que s’est-il passé ce samedi 3 octobre entre 10h30 et 22h30, alors que la fraîcheur automnale commençait à nous engourdir ? Sur la page Facebook d’OCS, une publication nous invitait à nous “évader avec une performance théâtrale de 12 h en direct comme on n’en avait jamais vu”.
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Piqué par la curiosité et notre café du matin à la main, nous sillonnions déjà la route qui relie, à marée basse, la côte anglaise à l’île d’Osea. Quand nous eûmes passé le pont, le café était froid (saisie en temps réel, la traversée approchait la demi-heure) et les fantômes de The Third Day vinrent à notre rencontre.
Prise unique de douze heures tournée et diffusée en direct, trip cathartique mettant Jude Law puis Naomie Harris aux prises avec une communauté insulaire aux coutumes étranges, Automne investit le hors-champ de la série. Ou plutôt la délaisse, s’insinue entre ses deux parties – intitulées “Été” et “Hiver”, diffusées sur OSC –, telle une respiration sans fond à même de les engloutir mais qui pourrait paradoxalement n’y laisser aucune trace : pas besoin de s’abandonner à cette expérience pour appréhender la continuité d’ensemble du projet The Third Day.
Un long crescendo s’enfonçant dans le cauchemar et la folie
Conçue par Dennis Kelly (créateur de la série Utopia), Felix Barrett (fondateur de la compagnie Punchdrunk, spécialisée dans le théâtre immersif) et le réalisateur Marc Munden, la performance s’offre comme une déambulation en caméra flottante arrimée au déroulé d’un festival organisé par les habitants de l’île.
Saisi depuis un point de vue et d’écoute unique, soutenu par une BO ambient improvisée elle aussi en live et ouvert aux commentaires des spectateur·trices, le voyage relie ses tableaux saisissants (une relecture de La Cène au milieu des vagues) par des déambulations évoquant les jeux vidéo immersifs, et accueille aussi bien les effets météorologiques (variations de lumière ou gouttes de pluie sur l’objectif) que les incidents techniques inhérents à son dispositif.
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Orchestré comme un long crescendo s’enfonçant dans le cauchemar et la folie avant de renouer avec l’extase, on y voit le personnage incarné par Jude Law (et l’acteur lui-même, dont l’investissement physique est stupéfiant) se soumettre à une série d’épreuves destinées à l’introniser comme guide spirituel de la communauté.
La porosité entre le réel et l’imaginaire
Au croisement du bizutage cruel et de la variation sur Koh-Lanta, du rite de passage et de la Passion christique, cet acharnement rituel génère autant de fascination que d’agacement, de malaise que de drôlerie involontaire.
Comment, en tant que spectateur·trice, aborder cette expérience hors du commun ? S’il paraît impossible d’en traverser les douze heures sans décrochage ou activité concomitante, la caméra, elle, poursuit implacablement son chemin. Pas de bouton pause dans la version d’origine : à nous d’en laisser les visions vibrer en fond comme un JT régional tordu, ou de s’y abandonner dans un binge watching de l’extrême.
Questionnant dans un même mouvement les limites physiques de son personnage, des spectateur·trices et du format télévisuel, The Third Day : Automne entreprend également de brouiller les frontières entre les genres (série ou téléréalité, captation ou performance) et d’éprouver la porosité entre le réel et l’imaginaire. Forme impure dépliée en équilibre précaire, ce geste radical s’est imposé comme l’un des événements artistiques marquants de l’année.
The Third Day : Automne en replay sur la page Facebook d’OCS
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