Une farandole tragicomique virtuose où amour, cuisine et musique s’entremêlent harmonieusement.
Amour et politique sont au programme du nouveau film de l’Egyptien Yousry Nasrallah, brillant continuateur de Youssef Chahine dont il fut le scénariste et l’assistant. Cette tragicomédie qu’on peut appeler “chorale” si l’on veut, en raison de la foule de personnages qui s’y côtoient – mais cela traduit mal son caractère organique, tant sur le plan humain que formel –, tourne autour d’une famille de cuisiniers, constituée par un vieil homme et ses deux fils d’âge mûr, spécialistes de repas de fêtes et de mariages.
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L’intrigue principale, qui se noue lors de deux banquets, a trait au rachat presque forcé des locaux de l’entreprise culinaire par un promoteur sans scrupules en cheville avec des politiques. Mais ce n’est que la toile de fond du récit, dont l’essentiel repose sur les amourettes croisées entre divers protagonistes (dont Refaat, le fils cuisinier fiancé à une cousine, qui n’a d’yeux que pour une élégante divorcée ; son frère Galal, qui court après toutes les femmes ; un jeune couple, qui connaîtra un sort tragique, etc.).
Entre Bollywood et Renoir
L’ensemble, agrémenté par des chants, des danses, des costumes et des couleurs éclatants, est formidablement lié par une caméra fluide et virtuose circulant constamment d’un personnage à un autre, et conférant une grande vitalité à cette ronde exubérante des désirs et des saveurs non dénuée d’une touche amère en fin de bouche.
L’un dans l’autre, Nasrallah réussit une synthèse parfaite entre l’influence du cinéma de Bollywood, qui affleure dans le décorum en général (et dans la musique, de façon évidente), et celle de La Règle du jeu de Renoir, avec l’enchevêtrement des classes sociales, des petites histoires et des grandes, de l’anecdotique et du tragique, des saveurs et des sentiments. Nasrallah déclare d’ailleurs : “J’aimerais être dans une forme de paillardise très française, renoirienne peut-être, où la nourriture et l’amour sont omniprésents.”
La nourriture vecteur de sensualité
Mission totalement accomplie. Car il ne faut pas non plus oublier la dimension épicurienne du film, l’omniprésence de la nourriture, vecteur principal de sa sensualité. Voir par exemple la séquence à rebondissements où Refaat fait la cour à sa belle en lui mitonnant un plat dont les ingrédients engendrent quelques complications…
Cette manière généreuse de mêler l’amour, l’humour et la gourmandise mais aussi, ponctuellement, la violence, pendant que se trament à l’arrière-plan des manœuvres politico-financières, fait de cette fresque sociale une farandole endiablée et grisante.
Le Ruisseau, le Pré vert et le Doux Visage de Yousry Nasrallah (Eg., 2016, 1 h 55)
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