Défaire les nœuds des assignations et revendiquer la liberté de son expression est au cœur de White Dog, nouvel opus de Latifa Laâbissi où le corps s’affiche plus politique que jamais.
Sommes-nous au cœur d’une forêt où l’enchevêtrement des lianes dessine, souligne et modifie la silhouette des arbres qu’elles enserrent ? Une représentation allégorique des signifiants et des signifiés où se niche le concept de signe linguistique défini par Ferdinand de Saussure, qui varie d’une culture à l’autre ? Ces quatre personnes, en cercle, silencieuses et nous tournant le dos, occupées à démêler un sac de nœuds pour donner forme à des coiffes ou à des accessoires partagent-elles autre chose que cette occupation, solitaire au sein d’un groupe ?
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Lente, énigmatique, l’ouverture de White Dog de Latifa Laâbissi ignore avec superbe son public. Comme une réponse souterraine à la genèse de son processus de création, après les critiques soulevées par une chorégraphe native américaine lors de la présentation de son solo Self Portrait Camouflage, où elle portait une coiffe de chef amérindienne, au MoMa de New York ? “Elle a soulevé une critique très forte sur ma légitimité à la porter, en tant que femme, d’une part, mais aussi en tant qu’étrangère.”
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“On est toujours l’autre de quelqu’un”
La lecture de Chien blanc de Romain Gary sur l’histoire d’un chien dressé pour des attaques racistes que son nouveau maître entend rééduquer sera le point de départ de White Dog, à travers le constat que l’on « est toujours l’autre de quelqu’un » et qu’on peut être associé à la suprématie blanche alors même qu’on est par ailleurs racisé.
Voilà pour le socle de la pièce. Sa forme, son élan sculptural, prend sa racine ailleurs, dans le souvenir de la danse d’un homme vue lors d’un bal de village, irréductiblement singulière dans “son recyclage de danses folkloriques et urbaines”. C’est là que White Dog s’affirme comme la mise en avant de personnalités fortes où chacun des quatre interprètes donne libre cours à des expressions et des mouvements du corps n’obéissant à aucun genre et les embrassant tous, pour réinventer des connivences où l’appropriation des signes de l’autre déjoue la violence et favorise l’échange.
Autour de Latifa Laâbissi, Jessica Batut, Volmir Cordeiro et Sophiatou Kossoko, vêtus de la même tunique, élaborent une danse folk inédite, portée par la composition sonore de Manuel Coursin, qui a la douceur d’un rêve éveillé, sa fantaisie et son art du collage, entre réel et imaginaire.
White Dog, conception Latifa Laâbissi, du 9 au 12 octobre au Centre Pompidou, festival d’Automne à Paris.
Festival d’Automne à Paris, tél. 01.53.45.17.17, www.festival-automne.com
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