Retour sur une édition du festival de BD de Bastia « à contretemps » mais prospective et inventive avant un cru 2021 déjà programmé.
Quand le dimanche 20 septembre dans l’après-midi, le courant a sauté au centre culturel Una Volta suite à un orage violent, le scénariste Thomas Cadène (Alt-life, Soon) s’apprêtait à prendre la parole lors d’une rencontre où il était question d’avenir et d’effondrement. Sur le moment, cette plongée dans le noir a rappelé que 2020 serait vraiment une année hardcore pour les manifestations publiques. Bien sûr, l’électricité est revenue et la discussion prospective a pu reprendre. De toute façon, le festival de Bastia a prouvé sa capacité de résilience. Prévue comme les précédentes au printemps, cette 27e édition des rencontres de la bande dessinée et de l’illustration n’a pas été annulée mais reportée en septembre. “Ça a été un soulagement que le festival ait lieu, un gros appel d’air”, résume Juana Macari, directrice du centre culturel Una Volta et commissaire d’exposition.
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La cuvée 2020 a donc eu lieu, “à contretemps” comme le soulignait l’affiche mais toujours bien dans son époque. On a ainsi vu le scénariste français Benjamin Legrand (Le Transperceneige ou Le Tribut avec Rochette) dialoguer par écran interposé avec le dessinateur suisse Frederik Peeters (Les pilules bleues, Aâma) resté lui dans son pays pour des raisons aussi sanitaires qu’écologiques (la consommation de kérosène). “Comme nous sommes insulaires, ce genre de position implique un repli sur nous-mêmes”, commente Juana Macari. Elle indique d’ailleurs suivre avec beaucoup d’intérêt un projet alternatif de traversée écologique pour relier le continent à la Corse.
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La Fabrique des Futurs
Sans quitter Bastia, le public a pu voyager. Parlant depuis la Thaïlande, Florent Ruppert a pu avec son compère Jérôme Mulot revenir sur “les remous” occasionnés par la conception d’une BD à six mains. Plusieurs pages originales de Portrait d’un buveur réalisé donc par Florent Ruppert, Jérôme Mulot et Olivier Schrauwen ont été dévoilées.
En direct de Bruxelles, Philippe Dupuy a lui expliqué comment, depuis l’arrêt de son association avec Charles Berberian, il a développé des projets solo expérimentaux comme Une Histoire de l’art ou J’aurais voulu faire de la bande dessinée, dialogue dessiné avec Dominique A et le pianiste Stéphan Oliva. Soumis aux aléas des connexions, la rencontre qui lui était consacrée a fini par une séance de questions manuscrites agitées devant une web-cam pour cause de panne de son. Pas grave, le dessinateur a pu transmettre son goût pour la BD qui marche en dehors des clous. Dans le bel espace qui lui était réservé au centre Una Volta rafraîchi, on a ainsi pu voir nombre de planches mais aussi les pop-ups créés pour Peindre et Ne Pas Peindre et des “Rayogrammes” – soit des images photographiques obtenues sans appareil – en hommage à Man Ray.
Alors que le musée de Bastia accueillait La Fabrique des Futurs, une rétrospective de Blutch. Une expo, à ne pas louper, elle dure jusqu’au 16 octobre. Dans une scénographie troublante par sa dimension immersive signée Raphaël Lerays, elle réunit des planches d’Aseyn (Bolchoï Arena avec Boulet), de Benjamin Adam (Soon), Ugo Bienvenu (Préférence Système), Frederik Peeters (Saccage) Jean-Marc Rochette (Le Tribut), des albums qui imaginent un avenir complexe et bouillonnant.
A la Maison des sciences inaugurée au printemps, l’astrophysicien et chercheur au CNRS Roland Lehoucq a d’ailleurs conversé avec une partie des auteurs précités, le temps d’une discussion fertile alliant sciences et BD.
Architecture et intimité
Célébré par une exposition, le scénariste Wilfrid Lupano (Les vieux fourneaux avec Paul Cauuet, Traquemage avec Relom) a lui expliqué comment il repérait des “nœuds d’humanité” pour bâtir ses intrigues. La dessinatrice Mayana Itoïz, avec qui Lupano signe les aventures du Loup en slip, série jeunesse à succès et double lecture, a raconté comment, pour tranquiliser son fils qui avait peur du loup, elle avait inventé ce personnage le temps de tableaux réservés à la chambre de l’enfant.
Réservant une belle part de sa programmation aux livres jeunesse, le festival a aussi mis en avant le travail de Loren Capelli et sa forêt de papier ou les Vermeilles de Camille Jourdy. Justement, les “scolaires” seront à la fête à partir du mois de novembre. Les murs d’Una Volta exposeront les travaux réalisés par les élèves de l’école Campanari (4 albums et une BD !), produits sous l’expertise des autrices Marion Duclos et Margaux Othats.
“Cette édition va vraiment prendre fin avec l’année 2020” s’amuse Juana Macari qui travaille sur la prochaine, prévue du 25 au 28 mars 2021. “La principale thématique sera l’architecture. J’aimerais que l’on puisse entrer dans l’espace intérieur, aborder le fait que l’architecture ce n’est pas qu’une histoire de grands espaces mais que ça touche aussi à l’intimité”. Rendez-vous est pris.
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