On le croyait presque immortel : Henri Salvador, le doyen des chanteurs français est nous a quittés à l’âge de 90 ans. Retour sur une longue carrière.
Le fleuve Oyapock sera-t-il bientôt rebaptisé fleuve Henri Salvador ? C’est, par une étrange coïncidence, le long de cette étendue d’eau qui sépare le Brésil de la Guyane Française que Nicolas Sarkozy et son homologue Brésilien Lula se sont rencontrés quelques heures à peine avant la disparition du chanteur tout juste nonagénaire qui devait tant à ces deux terres.
[attachment id=298]La Guyane, où il était né Henri Gabriel Salvador en juillet 1917, d’un père d’origine espagnole et d’une mère au sang indien. Le Brésil où il alla puiser aux deux pôles de son interminable carrière (75 ans fêtés l’an dernier) les plus beaux velours de son inspiration de compositeur crooner.
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Pour l’enregistrement de son ultime album, prudemment intitulé Révérence, Salvador était ainsi retourné à Rio un demi-siècle après y avoir triomphé en tant que membre de l’orchestre de Ray Ventura où il embarqua comme guitariste véloce, chanteur occasionnel et fantaisiste (déjà) grimaçant. Dans l’intervalle, c’est souvent le Brésil qui est venu à Salvador, lequel était toujours ébahi d’entendre qu’il avait involontairement influé sur le cours d’un autre fleuve majestueux, la Bossa Nova, samba au pouls ralenti dont Jobim avait eu l’illumination en voyant dans un film notre Riton chanter en 57 Dans mon île de sa voix de Nat King Créole. Cette belle légende, vérifiée depuis par des témoins fiables, Salvador la racontait jusqu’à épuisement lors des interviews accompagnant son grand retour de l’an 2000, où l’album Chambre avec vue et son Jardin d’hiver bouturé par la paire Keren Ann/Biolay le reconnectait à 83 ans avec ses Syracuse, Clopin-clopant ou C’était pour jouer d’antan.
Ce triomphe, amorcé par une fameuse couverture des Inrocks (dont il n’était pas peu fier) purifia d’un coup des années perdues où son invraisemblable talent était dissimulé derrière une panoplie de clown franchouillard, de bouliste rigolard, de cachetonneur chez Disney et d’entertainer fatigant des Saint Sylvestre seventies. Lui, le fan de jazz élevé à Ellington et Basie, l’ami intime de Quincy Jones et le frère d’écriture de Boris Vian (leurs fameuses parodies d’un rock à peine né), le résident de la Place Vendôme, joaillier de la chanson douce, dont la France faillit bien ne garder que le souvenir d’un zozo ORTF ou d’un égrillard cousin des îles.
Une méprise heureusement estompée par cette fin de vie solaire, où malgré sa proximité avec les Bigard, Gerra, Chirac et Sarkozy, il semblait flotter au-dessus du temps par la seule suspension de cette voix magique et aussi grâce à sa gentillesse lorsqu’on avait la chance de partager quelques moments avec lui loin des lourdingues cabotinages UMP/Grosses Têtes. Sarkoziste, donc, mais si peu Sarkozien dans l’âme, quand au « travailler plus pour gagner plus » il opposa longtemps sa flemmardise épicurienne mise en musique (« Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver ») et surtout en pratique.
Après avoir fait ses adieux à la scène en décembre dernier, Henri Salvador est donc mort d’une rupture d’anévrisme tranquille le mercredi 13 février. A 90 an, ce sont des choses qui arrivent.
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