Plusieurs réunions d’urgence ont été convoquées et des appels au calme ont été lancés par les pays occidentaux pour éviter l’éclatement d’un conflit militaire armé entre la Russie et l’Ukraine, ravivé par un incident survenu ce week-end dans les eaux proches de la Crimée.
En quelques jours, le conflit russo-ukrainien a été brutalement ravivé par un incident diplomatique survenu dans une enclave maritime partagée par les deux pays. L’Ukraine a appelé au secours la communauté internationale pour condamner le comportement agressif de son voisin russe. L’ONU, l’Otan, l’Union européenne, Washington et de nombreux diplomates occidentaux ont réagi aux événements. Pour autant, les moyens de pression mis en avant pour contrer l’offensive russe consistent toujours exclusivement en des sanctions économiques qui ont déjà montré leurs limites.
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Des tensions brutalement réactivées
Dimanche 25 novembre dans l’après-midi, trois navires de la marine ukrainienne ont été interceptés par l’armée russe dans le détroit de Kertch. Ce lieu stratégique permet l’accès à la Russie à la province de la Crimée, qu’elle a annexée en 2014 au mépris du droit international, et relie également la mer Noire à la mer d’Azov, qui borde l’Ukraine. L’incident a rapidement pris des proportions diplomatiques alarmantes. L’après-midi, la chaîne de télévision russe Rossiya 24 a rapporté un blocage par la Russie des bateaux ukrainiens. Quelques heures plus tard, la marine ukrainienne a quant à elle dénoncé l’usage d’armes et l’emprisonnement des 23 personnes se trouvant à bord de ses bateaux.
Mettant en cause les militaires russes, l’Ukraine a déploré six blessés, dont deux grièvement, au cours de l’altercation. Les passagers de ces embarcations sont depuis lors retenus à Moscou et en attente de jugement dans la région de la Crimée par un tribunal russe. Ils sont accusés d’avoir franchi illégalement la frontière russe malgré des avertissements lors du passage du détroit de Kertch. La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a dénoncé les “méthodes de bandits de grands chemins” de l’Ukraine, dans une déclaration transmise à l‘AFP : “d’abord des provocations, puis de fortes pressions, puis des accusations d’agression”.
L’Ukraine a réagi de manière épidermique au blocage de ses bateaux et à l’emprisonnement de ses ressortissants. Dans la nuit de dimanche à lundi, le Conseil de sécurité et de défense ukrainien s’est réuni en urgence, et a notamment proposé l’introduction de la loi martiale pour retrouver la souveraineté sur son territoire. Lors de cette séance exceptionnelle, le président de l’Ukraine Petro Porochenko a qualifié l’incident survenu en mer d’“acte fou de la Russie contre l’Ukraine” et estimé que l’attaque était “préméditée”. Votée par le parlement lundi, l’introduction de la loi martiale a instauré dans une dizaine de régions ukrainiennes un état d’exception pour maintenir l’ordre public. C’est la première fois que celle-ci est sollicitée depuis l’indépendance de l’Ukraine, ancienne république soviétique, en 1991. Le président Porochenko a justifié cette initiative par la “menace extrêmement élevée” d’une offensive terrestre russe.
L’interception des bateaux ukrainiens et l’emprisonnement des marins à bord intervient dans un contexte de tensions durables entre l’Ukraine et la Russie. Depuis l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014, l’Est de l’Ukraine est en proie à des conflits violents entre pro-russes qui revendiquent une séparation du territoire, et les partisans d’une unité nationale. Le détroit de Kertch présente ainsi une position stratégique pour l’accès de la Russie à la Crimée et de l’Ukraine aux eaux de la mer Noire. Un traité bilatéral est censé autoriser les deux pays à traverser librement dans la mer d’Azov depuis 2003. Cependant, depuis le mois de mai dernier, les Russes ont construit un pont de 18km à cet endroit et instauré un contrôle militaire strict des eaux et du passage terrestre. Interrogé sur plusieurs chaînes de télévision ukrainiennes ce mardi 27 novembre, le président ukrainien a mis en cause l’augmentation des bases et unités militaires russes à la frontière et évoqué la possibilité d’un conflit armé entre les deux pays : “Je ne veux pas que quelqu’un pense que ce sont des jeux d’enfants. L’Ukraine fait face à la menace d’une guerre totale avec la Fédération russe”.
Impuissance de la communauté internationale
L’Ukraine a réagi en interne et a également appelé la communauté internationale à défendre le pays contre l’interventionnisme russe sur son sol. En effet, la marine ukrainienne serait impuissante à se défendre contre les forces russes, comme l’a souligné le correspondant de France 24 à Kiev, Gulliver Cragg : “L’Ukraine cherche donc à faire un maximum de bruit autour de l’incident pour attirer l’attention et obtenir le soutien de la communauté internationale”.
Dans ce contexte, plusieurs réunions d’urgence ont été convoquées au sein des organisations internationales pour désamorcer l’escalade militaire entre la Russie et l’Ukraine. À leur demande, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni lundi pour soulever le problème. Dans un texte commun, les pays européens qui y étaient présents ont insisté sur la nécessité de garantir “la liberté de navigation” dans le détroit de Kertch et la mer d’Azov. Une réunion extraordinaire de l’OTAN a eu lieu à Bruxelles le même jour avec l’Ukraine. A l’issue de cette séance qui a confronté les ambassadeurs des pays de l’Alliance, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a insisté sur la fermeté avec laquelle l’organisation condamne le comportement russe, comme le rapporte Le Figaro : “La Russie a utilisé directement la force militaire contre l’Ukraine. Ce qui s’est passé hier est très grave. Tout doit être mis en œuvre pour éviter que la situation ne devienne plus dangereuse. La Russie doit comprendre que ses actions auront des conséquences”.
Le ministre des affaires étranger allemand, Heiko Maas, a rappelé que le litige relatif à la région de la Crimée ne concerne pas uniquement les parties directement impliquées : “Cette affaire montre que l’annexion de la Crimée reste un problème de sécurité pour tout le monde en Europe”. Il a également demandé “que la Russie respecte de nouveau le droit international et qu’elle ne viole pas la souveraineté territoriale de ses voisins”. L’Allemagne et la France ont dans ce cadre proposé une médiation pour dégager une solution politique qui calmerait ce conflit diplomatique ressurgi brutalement.
Le moyen de pression avancé sur la Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014 consiste essentiellement en des sanctions économiques, déjà appliquées par des pays occidentaux et l’Union Européenne. Cet argument, fragile, était déjà brandi lors de l’obtention des Accords de Minsk à l’initiative de la France et de l’Allemagne en 2014. Pour autant, les combats n’ont pas cessé depuis. La mise en place de nouvelles sanctions économiques devrait être examinée en décembre, selon la présidence autrichienne de l’Union Européenne.
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