Diamantino, personnage inspiré par Cristiano Ronaldo, voit sa carrière brutalement interrompue. Un point de départ vers une nouvelle vie.
Le rapport à l’harmonie permet d’établir une distinction nette entre deux types de réalisateurs. Il y a les cinéastes de la discorde. Ceux dont les films sont le lieu d’un effilement, d’un combat, d’une division à partir d’un tout, qui se plaisent à désigner ce qui nous différencie de l’autre, à pointer du doigt nos incompatibilités et à affirmer des singularités envers et contre tout. Et puis il y a les cinéastes de la réconciliation. Ceux qui veulent au contraire tricoter l’un à partir du pluriel, dont les films sont le résultat d’une fusion, du passage de l’hétérogène à l’homogène, dont la préoccupation est de rétablir un lien brisé.
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Daniel Schmidt et Gabriel Abrantes font partie de la seconde catégorie. Diamantino – leur premier long métrage, récompensé par le Grand Prix de la Semaine de la critique lors du dernier Festival de Cannes – est une forme extrême de ce cinéma du rapprochement, tant chaque pièce de son architecture semble obéir à un principe de mélange.
L’intrigue du film débute avec une double perte. Lors de la finale de Coupe du monde de football opposant la Suède au Portugal, Diamantino – attaquant vedette calqué sur Cristiano Ronaldo – rate un penalty crucial et perd du même coup le match et son père, victime d’une attaque devant la déconfiture de son protégé. Sa baby face larmoyante devient un mème qui en fait la risée du net et met un terme à sa carrière.
Désœuvré, Diamantino se retrouve bientôt plongé dans un complot eugéniste de l’extrême droite visant à faire sortir le Portugal de l’Union européenne. En parallèle, il adopte une fausse réfugiée qui se révèle être une contrôleuse fiscale enquêtant sur une vaste affaire de détournement de fonds.
On voit mal point de départ plus éclaté que celui de Diamantino. A ce joyeux brouillage narratif s’ajoute la collision des genres cinématographiques – le film tient autant de l’expérimentation arty que de la série B, de l’odyssée pop, du conte de fées ou de la satire politique – et le trouble dans le genre sexuel : Diamantino y est dépeint comme une icône queer qui finit par se doter d’attributs transidentitaires. Cette obsession pour l’éclectisme se retrouve jusque dans les choix musicaux (mélange de pop commerciale des années 2000 et de musique classique) et la multiplication des types d’images (drone, captation sportive, spot publicitaire, écran de téléphone portable, hologramme, caméra de surveillance et stock-shot).
La lame de fond du film se précise pourtant. Il s’agit pour le duo de réalisateurs d’embrasser un spectre aussi large que possible du contemporain et d’y faire tremper la figure d’un Candide, dont la naïveté est vue comme une force de réappropriation d’un monde en morceaux. Selon un procédé qui semble tant relever de la synthèse chimique que du cinéma, le film transmue sa foisonnante hétérogénéité en sublime naissance d’une conscience au monde.
Cette somme des divisions – génétique et politique, de genre de film et de sexe, d’origine culturelle et formelle – aboutit à une croyance dans une histoire d’amour capable de les conjurer toutes. Son ambitieuse unité inventée, le film s’achève sur une pure scène de fusion : deux êtres qui font l’amour sur la plage, au soleil. Taillé dans le maelström du monde contemporain, Diamantino est un pur film pop, c’est-à-dire une œuvre dont la sophistication est mise au service de la préhension du réel pour tous.
Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt (Por., Fra., Bré., 2018, 1 h 32)
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