Lundi 26 novembre, le premier communiqué officiel des « gilets jaunes » a été diffusé, désignant 8 portes-paroles pour le mouvement qui demandent à rencontrer le chef de l’État et le gouvernement.
Une trentaine de portes-paroles régionaux, réunis lors d’une visioconférence dimanche 25 novembre, ont élu 8 portes-paroles pour dialoguer avec le gouvernement. Sur les réseaux sociaux (Facebook apparaît comme le canal majeur de diffusion du mouvement) les « gilets jaunes », s’inquiètent pourtant de l’émergence de meneurs ; dans les médias, les têtes d’affiches, non consultées ou non choisies, prennent leurs distances. Depuis lundi 26 novembre, date de diffusion du premier « communiqué officiel » des « gilets jaunes », les différents portes-paroles choisis, objet de vives discussions, prennent la parole pour rassurer et expliquer à leurs camarades leur mission : rencontrer « le président de la République, le Premier ministre et son gouvernement ».
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Dès avant le 17 novembre 2018
Le groupe à l’origine de cette liste de portes-paroles s’est constitué progressivement depuis la fin du mois d’octobre. À sa source, on trouve deux personnages, tous deux âgés d’une trentaine d’années, et faisant partie de la liste.
1. Éric Drouet, chauffeur routier de Melun, premier organisateur sur Facebook de la journée du 17 novembre, et Priscillia Ludosky, auto-entrepreneuse de Seine-et-Marne à l’origine de la pétition « pour une baisse du carburant à la pompe » sur Change.org, qui compte aujourd’hui plus 983 000 signatures – un nombre qui croît toujours. Éric Drouet, avec un ami et collègue membre, comme lui, du club des passionnés d’automobiles le « Munster Crew Family », a créé l’évènement du 17 novembre le 10 octobre. À partir du dimanche 21 octobre, ils ont rencontré un réel écho sur Facebook, atteignant 54 000 participants et 189 000 personnes intéressées. Très vite, M. Drouet a été invité à faire le tour des plateaux des chaînes de télévision, avant de créer le 25 novembre, au lendemain de la seconde journée des « gilets jaunes », une nouvelle page sur Facebook : « La France énervée ». Il y prend la parole à travers des vidéos postées depuis son camion, pour expliquer le but de cette liste de 8 portes-paroles. « Je crois que les gens ne lisent pas complètement le communiqué ou ce que j’ai pu expliquer dans la vidéo », y déplore-t-il avec sérenité.
2. La pétition de Priscilla Ludosky, mise en ligne à la fin du mois de mai dernier, était passée largement inaperçue jusqu’à ce qu’Éric Drouet la partage sur Facebook et que le Parisien y consacre un article. Commerçante spécialisée dans les produits cosmétiques bio et l’aromathérapie, elle utilise quotidiennement, pour son travail, sa voiture. Intervenant sur France 3, LCI ou BFM et interviewée par nos confrères de Regards, elle se fait la porte-parole d’une vision écologique et sociale du mouvement.
Elle se révolte avant tout contre « le faux argument du gouvernement qui prétend protéger l’environnement en taxant les automobilistes alors que tous les polueurs ne sont pas taxés ». Elle fait alors référence aux flux maritimes et aériens, soumis à des règlements internationaux. Elle demande que le gouvernement propose des mesures écologiques crédibles et socialement justes.
3. Julien Terrier, un autre trentenaire, est à la tête d’une société de rénovation et de dépannage après avoir travaillé pour l’armée de l’air. Il a créé cette entreprise au début de l’année 2018, et vient de la mettre « entre parenthèse » pour « se consacrer au mouvement des ‘gilets jaunes’« .
À nos confrères du Dauphiné, il déclarait que le mouvement était « pour la transition écologique mais avec les moyens ». « [il faut] qu’on nous propose un vrai projet ! « , réclame-t-il. Selon lui, si le mouvement « est contre la hausse des taxes sur les carburants », c’est, aussi, parce que « le problème [est] que seulement 20% [des taxes. Ndlr.] est attribué (sic.) à cette transition écologique, il faudrait que ce soit 100% ».
Comme le rappelle Éric Drouet inlassablement au fil de ses vidéos et interventions médiatiques, le mouvement se veut « apolitique ». Julien Terrier, qui n’a voté qu’une fois aux présidentielles de 2007, ne dit pas autre chose lorsqu’il déclare que « nous [les ‘gilets jaunes’. Ndlr.] sommes un mouvement citoyen, on n’est pas portés par un parti politique ou un syndicat ».
4. Thomas Mirallès, 27 ans, est chef d’une entreprise de courtage en prêts immobiliers à Perpignan. Il s’est dit séduit par le mouvement du fait de son « apolitisme ». L’Indépendant a révélé que, malgré ses déclarations, il avait été membre d’une liste Front national (FN) aux élections du Canet en 2014. Le premier concerné en parle comme d’une « erreur de jeunesse ». Auparavant il avait fait parti, en 2010, d’une liste « Union républicaine« , soutenue par le Parti socialiste (PS).
Prise de distance avec les partis
5. Marine Charrette-Labadie, serveuse en Corrèze âgée de 22 ans, une autre des portes-paroles, se dit quant à elle « plutôt de gauche ». Elle s’est mobilisée parce que chaque jour elle parcourt 50 kilomètres pour aller et venir entre son domicile et son travail – ce qui induit un coût de 200 euros par mois. Interrogée par Marianne, elle dénonçait qu’il était pour les « gilets jaunes », « très dur d’être pointés du doigt […] Nous mettons notre vie entre parenthèses pour dire que nous n’en pouvons plus, qu’il est de plus en plus difficile de vivre… Et pour seule réponse, nous récoltons des insultes ».
Thomas Mirallès rappelle ce que sont, selon lui, les deux priorités du mouvement : « la révision à la baisse de toutes les taxes », et « la création d’une Assemblée citoyenne qui examinera tous les projets de réforme, étudiera les dossiers de transport, écologie, emploi, retraites, éducation et autres grand thèmes ». Il demande ainsi à ce qu’une Assemblée citoyenne soit tirée au sort et devienne une force de proposition. Des référendums populaires permettraient ensuite de trancher.
6. Maxime Nicolle, intérimaire des côtes d’Armor de 31 ans, est, par son franc-parlé, la figure la plus haute en couleur de ces portes-paroles. Il intervient sur Facebook sous le pseudonyme de Fly Rider. Téméraire, il a appelé à manifester à Dinan, où le préfet avait interdit tout rassemblement le samedi 17 novembre. Le 19, il était sur le plateau de Cyril Hanouna.
Administrateur de la page « Fly Rider infos blocage », qui compte 43 300 membres, il publie régulièrement des vidéos de près d’une heure en direct. Il déclarait ce matin avoir l’intention de se retirer dès que « le peuple aura le droit de parler », et refusera d’aller à l’Élysée, à moins que la scène soit filmée en direct.
Lundi 26 novembre, il expliquait dans une de ses vidéos que « le but du jeu [était] de destituer le gouvernement, puisqu’il n’est pas légitime, d’enlever le président, d’enlever le Sénat, d’enlever l’Assemblée nationale et de mettre une Assemblée populaire, où chaque partie du peuple est représentée », ajoutant que « dans ce cas là, on peut tout revoir ». Plus radical dans le discours que d’autres portes-paroles, il conseillait au gouvernement de prendre garde, dès le 17 novembre, que la « colère ne se transforme en haine ».
Un mouvement qui se veut « pacifique »
7. Jason Herbert, chargé de communication de 25 ans à Angoulême était journaliste à la Charente Libre de 2012 à 2014. Il déplore, auprès de CheckNews « la violence et les blocages qui empêchent les citoyens de se déplacer ». Le but de son engagement est avant tout « que les gens puissent vivre dignement de leur travail et non pas sous-perfusion d’aides ». Adhérent de la CFDT, il est membre du conseil national de la branche journalistes du syndicat et est un des plus jeunes conseillers prud’homaux de France.
Tous, sur les réseaux sociaux, ont dû, suite à leur nomination, s’expliquer auprès des « gilets jaunes », de leur région qui s’interrogeaient parfois sur la signification de cette liste. Pourquoi eux et dans quel but?
8. Mathieu Blavier, le dernier porte-parole dans cette liste, est le plus contesté. Jeune étudiant et fabricant de jus de pomme de 22 ans, personne, dans les Bouche-du-Rhône, ne semble le connaître sur les réseaux sociaux. Il n’a pas de page militante, ni sur Facebook, ni ailleurs et a refusé de répondre aux questions de CheckNews.
60 jours alités…
Il est connu de La Provence pour avoir participé à une expérience en restant 60 jours alité pour connaître les effets sur le corps humain d’un séjour en apesanteur. Avant de s’occuper de sa société en circuit court de jus de pommes Chicoula, il a travaillé pour de nombreuses entreprises industrielles autour de l’Étang de Berre. Maxime Nicolle aussi, qui jouit pourtant d’une forte popularité sur Facebook, a du s’expliquer, notamment dans une vidéo en compagnie du porte-parole locale du mouvement.
Les « gilets jaunes », s’étant demandé pourquoi l’un avait été choisi et pas l’autre, les deux hommes s’expliquent. Yannick Krommenack n’était simplement pas au courant de cette réunion et laisse la place à Maxime Nicolle qu’il décrit comme un homme « méritant ». Ce dernier réaffirme qu’il n’est que porte-parole. Son rôle n’est « rien, à part être reçu à l’Élysée pour leur [le gouvernement. Ndlr.] dire que rien ne s’arrêtera tant qu’il n’y aura pas de référendum d’initiative citoyenne ». Il assure n’avoir « aucun pouvoir », et assume n’avoir « aucune légitimité ».
En attendant le « nouveau contrat social »…
Alors que ce matin, le président Emmanuel Macron a annoncé que « dans les 3 mois, [il] souhaite un débat national, avec aussi les représentants des ‘gilets jaunes’« , et qu’il prônait une « conversion mentale », des « responsables politiques et syndicaux », pour « bâtir un nouveau contrat social du 21e siècle », le locataire de l’Élysée a affirmé avoir pris la mesure de « ces vies empêchées de celles et ceux qui travaillent chaque jour dur mais qui ne gagnent pas assez pour vivre bien ». Le chef de l’État a promis de « renouveler nos [celles des acteurs publics. Ndlr.] méthodes de travail, l’organisation de l’État et de la dépense publique » pour enfin « ouvrir un nouveau chapitre de notre réforme collective ».
>> Pour en savoir plus sur le discours d’Emmanuel Macron, mardi 27 novembre, cliquez ici.
Dès dimanche fleurissaient sur Facebook des évènements appelant à manifester à Paris, à nouveau sur les Champs Élysée, samedi 1er décembre. Les titres, revendiquant l’organisation d’une pièce de théâtre tragique, annoncent en des termes vindicatifs l’« Acte 3 », des « gilets jaunes »: « Macron démissionne! » ou encore « Révolution ». À l’Assemblée nationale cette après-midi, le ministre de la Transition écologique et solidaire a déclaré qu’il recevrait dans la soirée « une délégation de ce mouvement des ‘gilets jaunes’« . Il y a une heure, sur sa page « La France énervée », Éric Drouet a confirmé qu’il ferait partie de ceux se rendant au ministère.
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