Grâce à un mélange de danses urbaines et de musique classique, Clément Cogitore remet l’opéra-ballet de Rameau au goût du jour.
La vision du court métrage de Clément Cogitore sur un air de la quatrième entrée des Indes galantes en avait sidéré plus d’un. Convoquant des danseurs de krump, Cogitore, artiste protéiforme, donnait de nouvelles couleurs au chef-d’œuvre de Rameau. Six minutes de totale extase visuelle et musicale produite par la 3e Scène de l’Opéra de Paris. Dans la suite logique de cette rencontre, Clément Cogitore s’est vu confier la mise en scène de la totalité de cet opéra-ballet.
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Le public lui fait chaque soir un triomphe, là où des relectures d’opéra très contemporaines sont le plus souvent vilipendées. Plusieurs raisons à cela : un respect affiché du livret, une transposition qui fait sens. Et peut-être aussi l’air du temps. “J’ai eu la sensation que Les Indes galantes racontait l’histoire de jeunes gens dansant au-dessus d’un volcan. Un volcan qui, au XVIIIe siècle, était inoffensif – le volcan de théâtre et d’artifice de l’entrée des Incas –, mais qui, au XXIe siècle, est devenu bien réel, au bord de l’éruption”, dit le primo metteur en scène.
A cet instant, la danse fait le job, tout en tension
Il s’autorise presque tout, d’une parodie de fashion week à la descente de CRS robotisés, du débarquement d’exilés à la révolte contenue. Les images surgissent, fortes ou naïves, un bras – armé ? – automatique paraissant déterrer des profondeurs du plateau les éléments de décor. Une barque échouée, un soleil sous forme de tableau de LED.
Rien à redire, Cogitore est à l’aise avec la machinerie de l’opéra, aidé par les décors d’Alban Ho Van. La direction des chanteurs est, elle, plus faible, les protagonistes, souvent face à la salle, comme figés. Les Indes galantes, c’est enfin de la danse et encore de la danse. Cogitore laisse la chorégraphe Bintou Dembélé en découdre. Hélas, en réduisant au minimum les ensembles dansés – les fameuses “tempêtes” du compositeur Rameau feront l’affaire –, la mise en scène fait du mouvement un élément de figuration plutôt que le moteur de l’action.
Rageant lorsque l’on sait que Dembélé est une artiste engagée, travaillant sur le fait colonial. “Les Sauvages” – titre de la quatrième partie – sont dès lors bien sages. Jusqu’à cette fin, reprenant la chorégraphie du court métrage de Cogitore, qui emporte la salle dans une autre dimension. A cet instant, la danse fait le job, tout en tension. Les solistes, venus du hip-hop, du krump ou du voguing, marquent le rythme du pied, les regards s’évitent ou se croisent, les corps se tendent jusqu’à l’extrême. Magistral. Pour le reste, le travail de Bintou Dembélé, comme corsetée, tient plus de la succession de numéros.
Il faudra attendre un duo entre la soprano Sabine Devieilhe et le danseur de jookin Calvin Hunt pour ressentir un autre frisson. Chœur et orchestre – celui-ci dirigé par Leonardo García Alarcón – sont à la hauteur du projet. Les Indes galantes n’est pas un ratage, loin de là, plutôt une promesse à venir – à défaut d’être tenue.
Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau, mise en scène Clément Cogitore, jusqu’au 15 octobre, Opéra Bastille, Paris. Diffusion le 10 octobre sur Arte Concert et dans les salles UGC
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