Kenzo Takada, le premier créateur japonais de la mode parisienne, s’est éteint à 81 ans. Avec son esthétique colorée, fleurie et non-genrée, Kenzo nous a fait voir la vie en rose.
Des fleurs à n’en plus finir, des juxtapositions de couleurs et de références explosives, des dissonances sublimées et, surtout, une joie de vivre intarissable : Kenzo Takada, fondateur de la marque qui porte son prénom, a disparu ce 4 octobre des suites du Covid-19, laissant derrière lui une mode qui fut reçue comme une petite révolution.
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Né en 1939 à Himeji, près d’Osaka, ce grand admirateur d’Yves Saint Laurent emménage à Paris en 1965 et présente sa première collection en 1970, devenant ainsi le premier créateur japonais à s’imposer dans la capitale de la haute couture. La presse loue sa vision singulière. Kimonos-doudounes, turbans en tartan écossais, ponchos aux motifs slaves : l’hybridité est l’un des maîtres mots de ses créations. Ainsi, il confronte Orient et Occident, maximalisme et fonctionnalité, folklorique et urbain.
“Pour moi, créer, c’est donner du plaisir, du bonheur et la liberté d’être soi-même »
Une décennie plus tard, il devient la figure de proue d’une génération de créateur·trices japonais·es qui, dans son sillage, s’installent dans la capitale française et y redéfinissent radicalement le chic contemporain. Des figures comme Yohji Yamamoto et Rei Kawakubo, fondatrice de la marque Comme des Garçons, émergent, mais se différencient de Kenzo.
Leur mode est sombre, intellectualisée, conceptuelle. Les coupes sont expérimentales ; les tissus, malmenés, passés au chalumeau, déstructurés. Le vêtement flirte avec l’art contemporain – ainsi du pull à trois manches ou de la robe Lumps and Bumps de Kawakubo, avec des prothèses et des épaulettes qui déforment l’allure traditionnelle du corps.
Contrairement à Kawakubo et Yamamoto, décrit·es par les critiques comme représentant·es d’une mode “post-atomic” qui font du vêtement une manière de commémorér la destruction d’Hiroshima, Takada offre une vision-échappatoire. “Pour moi, créer, c’est donner du plaisir, du bonheur et la liberté d’être soi-même », se plaisait-il à dire.
Des coupes inspirées de kimonos traditionnellement androgynes pour libérer le corps de la femme
Malgré ces différences, il existe un dénominateur commun dans cette mouvance nippone : un refus des normes genrées binaires. Kenzo le fait de façon plus subtile que ses pairs : il développe des coupes inspirées de kimonos traditionnellement androgynes pour libérer le corps de la femme et ne plus répondre aux canons et injonctions occidentaux.
Cette émancipation, il la communiquera au fil de sa carrière par une luminosité, un sens de l’humour et des shows ultra-théâtralisés. Autant une cure de jouvence qu’une réflexion sur l’époque, la vision du créateur continuera de colorer la mode.
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