Avec Farai, vous avez affaire à une jeune femme ballottée du Zimbabwe à l’Angleterre, une nouvelle voix, furieuse et fascinante, dans les sons urbains de Londres. Le brasier sur la banquise.
C’est la vidéo qui a immédiatement interrompu le game, cassé l’écran et plongé le spectateur dans l’effroi et la fascination. Elle s’appelle This Is England et, effectivement, elle raconte mieux que n’importe quel discours, reportage ou statistique l’état d’exaspération, de rage et de tension d’une partie hors-cadre de la jeunesse anglaise. Sur un fond sonique malade, patraque, au bord de l’extinction, on y découvrait Farai, jeune femme ballottée du Zimbabwe à l’Angleterre, à la voix stridente comme une sirène prévenant trop tard de l’arrivée du chaos nucléaire.
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Une dance-music hallucinée
Dans ce genre de soul urbaine tout en incantations, on n’avait guère entendu plus puissant et dérangeant depuis certaines chansons de gospel de fin du monde de TV On The Radio. Mais alors que les Américains offrent à leurs tourments une production sophistiquée, les accès de fièvre de Farai – on ne parle pas de chansons – sont mis en son par une production rêche, industrielle, brutale, minimale, signée Tone.
On n’attendait certes pas là, dans l’agitation progressiste des sons urbains, un aussi convaincant héritier de Martin Hannett, l’homme qui additionna la folie à l’urgence du post-punk, de Joy Division aux Happy Mondays. Mais on trouve des traces étonnantes de ses expérimentations minimales et glaciales avec le funk d’A Certain Ratio ou ESG dans ces morceaux qui proposent le brasier sur la banquise. Car oui, à l’image du récent single National Gangsters, qui passe la City à la sulfateuse, Farai hurle une dance-music hallucinée, contrariée par la violence, le dégoût.
De la soul music en négatif
Courageux seront celles et ceux qui suivront ces hymnes cagneux, méchants, hostiles comme une soul music en négatif, sur le dance-floor. Surtout qu’il ne faudra pas ici compter sur le pink champagne, accessoire de mode ringard du hip-hop, pour retrouver l’usage de ses jambes : un autre de ses singles, servi avec glaçons et sueurs froides, s’appelle très justement Punk Champagne.
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