Pour son nouveau roman, Le Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs, Mathias Enard installe au cœur de son Poitou natal un anthropologue des villes. Parfois hilarant, le récit sombre dans des méandres trop souvent vaseux.
Niort aurait plu à Balzac. Pas tout à fait Guérande, presque Issoudun. Autant dire la préfecture des Deux-Sèvres, capitale des assurances mutualistes mais surtout parangon de ville très moyenne où il est doux de s’ennuyer à mourir avant de sauter dans le premier train pour ailleurs.
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Mathias Enard, niortais de naissance, y situe une partie de son nouveau roman, Le Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs. Serait-il le Balzac de Niort et, surtout, équipé d’une “boussole” un peu zinzin dont l’usage littéraire lui valut le Goncourt en 2015, le chroniqueur de la comédie humaine qui se trame dans ses environs ?
Il essaie de le prouver en un très long récit qui rend lisible le fait que l’auteur en sait beaucoup sur les tours et détours du pays niortais et du Marais poitevin attenant, mais déversés à pleins tombereaux jusqu’à une sorte d’auto-étouffement. Ainsi des nombreuses digressions historiques qui devraient faire office de divagations mais qui ne sont que des pistes perdues, voire des culs-de-sac.
Du laisser écrire comme du laisser-aller
Comme il faut donner de la consistance romanesque à ce bastringue instruit, des personnages surgissent. Principalement David Mazon, jeune ethnologue parisien qui s’installe dans le village imaginaire de La Pierre-Saint-Christophe pour y étudier les mœurs autochtones. A l’heure où, effet Covid, l’envie de ruralité démange des citadins qui en ont les moyens, ça n’est pas fait exprès mais ça tombe à pic et ça devrait séduire. Peut-être un peu trop.
Trop d’Ovide, de Bouddha, d’Agrippa d’Aubigné, trop de gras qui ankylosent la marche au lieu de l’encourager
Enard ne racole pas, mais un peu quand même, tapine du côté du truculent, du rabelaisien (le héros lit Gargantua), du picaresque si l’on veut. Le tout dans une bacchanale du style où l’averse de mots cuistres (“carpocapse” ? Maman chérie !) rivalise avec du laisser écrire comme du laisser-aller. Quand il pleut beaucoup, c’est fatalement “comme vache qui pisse”. Lorsqu’il est onéreux d’acheter un engin agricole, évidemment “ça coûte un bras”. Trop de “genre” et de “façon”, trop de Clovis, d’Henri IV et de Napoléon, trop d’Ovide, de Bouddha, d’Agrippa d’Aubigné, trop de gras qui ankylosent la marche au lieu de l’encourager.
Reste que c’est parfois très drôle, tenaillé par un désir de San Antonio aux champs (un cours de chasse dégénère) et sans doute influencé par la vision des aventures du P’tit Quinquin de Bruno Dumont (rapport à un hélitreuillage de vaches). “Bref, bref, bref”, comme dirait Mathias Enard.
Le Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs (Actes Sud), 432 p., 22,50 €
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