En Chine, la sublime rencontre entre un réalisateur, sa caméra et un quartier pauvre en destruction.
La première scène de ce petit bijou documentaire – primé à Brive et au Cinéma du réel – en concentre à la fois les enjeux et les qualités. La caméra – tenue au poing par le français Hendrick Dusollier – se promène, tel un touriste perdu, dans le labyrinthe de Shibati, un quartier pauvre de Chongqing, l’une des villes les plus peuplées au monde.
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Elle se fait alors interpeler par plusieurs habitants qui sont intrigués par cet œil. On reproche au réalisateur de filmer des bas-fonds donnant une mauvaise image de la Chine, d’autant qu’on lui apprend qu’ils vont être démolis au profit d’habitations plus modernes. Ceux qui vivent dans le quartier vont donc tous perdre leur maison. Dès lors, le film va tenter de capturer la mémoire de Shibati avant qu’il ne disparaisse.
Cette rencontre d’une caméra avec son sujet est déjà en soi un moment sublime. Avec justesse, pudeur et en évitant tout pathos, la caméra et Hendrick Dusollier – qui semblent ne faire qu’un – parcourent ces rues, rencontrent des habitants. Ils les revoient au fur et à mesure de la destruction du quartier : un jeune garçon émerveillé par un centre commercial qu’il surnomme “la Cité de la Lumière et de la Lune”, une vieille dame pratiquant dans son jardin un art brut à partir d’objets récupérés et un coiffeur qui parle du général de Gaulle. Cette suite de rendez-vous – pris entre diverses énergies : le plaisir des retrouvailles, la difficulté à communiquer et l’imminence de la destruction – dote le film d’un charme nostalgique fou.
Derniers jours à Shibati de Hendrick Dusollier (Fra., 2018, 59 min)
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