La splendeur plastique propre à la cinéaste est cernée par un verbiage explicatif envahissant. Inégal mais avec de beaux éclats.
Depuis quelques films, on a envie de couper le son des films de Naomi Kawase, cette cinéaste japonaise si talentueuse. Ou plutôt de couper le sifflet de ses acteurs, arrêter le robinet à voix off qui vient polluer des images suffisamment fortes, majestueuses et compréhensibles pour que leur sens nous apparaisse dans toute leur clarté. Quand Naomi Kawase filme la lumière intense du soleil, une voix off nous dit : “Quelle intensité magnifique que celle du soleil !” Quand elle nous montre une montagne impressionnante qui semble posséder une âme, une voix off nous explique que la montagne est impressionnante, qu’elle semble dominer notre âme, etc. Tout est ainsi. Pourquoi ? Peut-être pour des raisons religieuses ? – le panthéisme de Kawase envahit même la parole. Comment savoir ?
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Le résultat est que le fan de ses premiers films a l’impression qu’elle ne croit plus dans le pouvoir expressif du cinéma ou à l’intelligence du cinéphile. Jadis, chez Kawase, le spectateur n’avait pas besoin d’explication : les fantômes, il les devinait à l’image bien qu’ils n’y fussent point réellement, il les voyait et les sentait sans que quelqu’un vienne lui dire : “la pièce est pleine de fantômes”.
Reste l’histoire, très belle, très roman-photo (et alors ?), d’une femme (Juliette Binoche, extatique) qui retourne au Japon des années après un deuil particulièrement douloureux, et qui va se laisser envoûter par la nature, où le temps ne passe pas et fait resurgir les vivants, les sentiments les plus forts, dans une faille du temps et de l’espace. Kawase n’a pas perdu de son talent de filmeuse, bien au contraire. Mais le dépouillement premier de son cinéma était plus intensément fantastique – dans tous les sens du terme – magique et secret.
Voyage à Yoshino de Naomi Kawase (Jap./Fr., 2018, 1 h 49)
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