Les affres de la sororité par Pascal Rambert, qui offre aux deux comédiennes l’opportunité d’un bras de fer cruel. Familles, je vous hais !
Voilà deux comédiennes qui s’estiment depuis toujours, tout en menant des carrières en parallèle. Elles commencent par se croiser sur les bancs du Conservatoire mais poursuivent leurs cursus dans des classes différentes. Cette stratégie d’évitement prend même la forme d’une drôle de plaisanterie, si l’on sait que Marina Hands se voit attribuer la loge d’Audrey Bonnet en entrant à la Comédie-Française alors que cette consœur vient juste de quitter l’institution. En leur proposant d’incarner les personnages de deux sœurs dans sa pièce Actrice, Pascal Rambert leur offre enfin, en 2017, une opportunité de se rencontrer sur un plateau.
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“La première fois que je les vois répéter la scène des sœurs dans Actrice, je suis fasciné par un truc qui se passe entre elles et qui m’enjoint d’écrire, se souvient l’auteur-metteur en scène. Leurs énergies sont tellement complémentaires et ce que je vois devant moi est d’une telle force que je me sens appelé, prêt à me lancer dans la rédaction d’une nouvelle pièce qui leur soit entièrement dédiée.”
Ainsi est né le projet de ce dialogue, composé dans l’urgence, où les deux actrices explorent à nouveau les affres dissonantes de la sororité comme autant de masques à faire tomber. Avec Sœurs (Marina & Audrey), elles vont pouvoir témoigner de cet amour unique qui est le propre d’une fratrie, en incarnant deux sœurs ennemies déterminées à ne jamais baisser la garde.Ici, les mots font figure de pierres d’achoppement
Sous un ciel de néons, il suffit d’un pupitre et de quelques chaises multicolores entassées les unes sur les autres pour cadrer l’action. Dans une salle de conférence, l’aînée (Marina Hands) se prépare à communiquer sur son engagement dans l’humanitaire.
Journaliste débarquant d’une destination lointaine et arrivant tout droit de l’aéroport avec sa valise, la cadette (Audrey Bonnet) déboule là comme une furie. S’invitant sur le territoire de sa sœur, elle lui réclame des explications pour tenter de comprendre pourquoi celle-ci ne l’a pas prévenue du décès de leur mère, la privant ainsi d’un cérémonial où elle aurait pu commencer son deuil en accompagnant cette dernière jusqu’à son ultime demeure.
Ici, les mots font figure de pierres d’achoppement. La bataille sur le vocabulaire fait rage dans une suite de monologues cruels, où le rappel des souvenirs de l’enfance et la critique des choix qui engagent la vie d’adulte entérinent le fait que ces deux-là s’opposent sans cesse comme des chiens de faïence. Brodant sur le paysage de leurs différences, le propos de Rambert vise à les rendre jumelles aux yeux de tous. Ce faisant, il réussit le pari de partager avec le public le secret bien gardé du très pur amour qui les réunit.
Sœurs (Marina & Audrey) Texte, mise en scène et installation Pascal Rambert, avec Audrey Bonnet et Marina Hands. Jusqu’au 9 décembre, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Xe
© Pauline Roussille
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