[Best of musique 2020] Sur Song Machine, Season One: Strange Timez, son septième album, Gorillaz invitait la crème de la crème sur des morceaux surprenants à l’inspiration contrastée, de la soul au funk, du disco au dub. Un dinguerie à retrouver dans le top albums 2020 des Inrocks.
Tomorrow Comes Today. Rarement titre aura été aussi visionnaire. Vingt ans après la sortie de son mémorable premier single, le groupe britannique virtuel, formé par le chanteur Damon Albarn et le dessinateur Jamie Hewlett, aura marqué son temps et anticipé l’époque en démultipliant les collaborations musicales en même temps que les expériences visuelles, préfigurant l’hybridation artistique dans un grand shaker postmoderne. Quitte parfois à nous donner le tournis et à se perdre en route, comme sur le trop bigarré et roboratif Humanz en 2017.
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Rythmant depuis janvier une année qu’on n’imaginait pas encore “annus horribilis”, pour reprendre la célèbre expression de la reine d’Angleterre en 1992, ce septième album de Gorillaz, Song Machine,Season One: Strange Timez, a déjà été dévoilé à travers six épisodes enthousiasmants, portés par des invités prestigieux dont la liste par ordre d’apparition n’en finit pas d’impressionner : slowthai, Slaves, Fatoumata Diawara, Peter Hook, Georgia, Octavian, Schoolboy Q et surtout Robert Smith.
Damon Albarn, metteur en scène audacieux
Formidable machine à attirer toutes les pointures, même les plus inattendues, de la planète musicale – quel autre groupe contemporain peut en effet se targuer d’avoir dans sa discographie Lou Reed et Grace Jones, Mark E. Smith et De La Soul, George Benson et Jehnny Beth, Snoop Dogg et Bobby Womack, Neneh Cherry et Mos Def ? –, Gorillaz remet le couvert après The Now Now (2018), un disque introspectif volontairement recentré autour de la voix de 2D, l’alias animé de Damon Albarn, et sans doute le meilleur cru depuis le chef-d’œuvre Demon Days (2005).
https://www.youtube.com/watch?v=uAOR6ib95kQ
Pour le conceptuel Song Machine, un album plantureux de onze épisodes (dix-sept dans sa version deluxe !), Damon Albarn et Jamie Hewlett reviennent donc à la formule collaborative qui a fait la renommée du groupe cartoonesque en invitant au moins un interprète différent par titre. Contrairement à Humanz, qui additionnait aussi les featurings à la pelle, le leader de Gorillaz est aujourd’hui metteur en scène audacieux plutôt que simple directeur de casting.
Rencontre au sommet à peine rêvée entre deux des artistes britanniques les plus importants du demi-siècle écoulé, l’ouverture Strange Timez voit donc Damon Albarn et Robert Smith duettiser derrière le micro dans un single absolument dantesque, jouant de tous les contrastes mélodiques, vocaux et rythmiques et rappelant la performance du chanteur de The Cure avec Crystal Castles sur l’ébouriffant Not in Love en 2010.
Un Beck funky et un Elton John addictif
Si Beck s’invite ensuite à la table du banquet dans un registre funkisant digne de sa période Midnite Vultures (1999), l’ex-voix d’Imagination Leee John métamorphose The Lost Chord en ballade soul intemporelle. Seulement trois plages sont écoulées, et déjà l’impression de tenir la bande-son revigorante d’une année troublée et masquée.
Réalisé entre Paris, Londres, Côme et le Maroc par 2D (chanteur), Noodle (guitariste), Murdoc Niccals (bassiste) et Russell Hobbs (batteur), cet album souffle un vent nouveau dans l’univers de Gorillaz, comme sur l’entraînant et discoïde Chalk Tablet Tower avec la brillante St. Vincent ou sur l’union improbable entre Damon Albarn, Elton John et le rappeur 6LACK promise aux charts planétaires derrière sa mélodie faussement sirupeuse et totalement addictive dans sa langueur insidieuse. The Pink Phantom ou la quintessence du plaisir coupable.
Quand le son de basse reconnaissable entre mille de Peter Hook fait des étincelles avec sa compatriote Georgia (Aries, un titre en l’honneur du Bélier, le signe astrologique de Damon Albarn et Jamie Hewlett), le kid londonien Octavian nous plonge dans un Friday 13th aux reflets dub futuristes. Avant que la Malienne Fatoumata Diawara ne nous emporte sur l’air laidback de Désolé.
Dix-neuf ans après un premier lp où Gorillaz avançait sur une Jeep camouflage, le groupe génialement ludique de Damon Albarn et Jamie Hewlett est décidément inarrêtable.
Song Machine, Season One: Strange Timez (Parlophone/Warner Music), sortie le 23 octobre
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