Les quatre comédiens principaux de “Chambre 212” répondent à un questionnaire conçu pour eux par Christophe Honoré.
A qui as-tu été infidèle ?
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Chiara Mastroianni — Tu crois que je ne te vois pas venir avec tes gros sabots ?… Je suis infidèle à mes plats préférés, parce que j’en change tout le temps… Il m’est impossible de commander un plat au restaurant sans en avoir envie d’un autre. Mais tu ne me feras pas dire si j’ai été ou non infidèle en amour.
Camille Cottin — J’ai l’impression que l’infidélité entraîne fatalement un mensonge, et je suis très mal à l’aise avec le mensonge, d’abord parce que je mens très mal et aussi parce que je suis totalement adepte de la loyauté – je n’aime que les gens loyaux. Donc, où va le désir ? Je pense que je déplace mes pulsions sur une multiplicité d’amitiés, à dominante féminine… Les nouvelles amitiés amoureuses ne remettent jamais en cause les anciennes. Le sentiment d’avoir un cœur exponentiel me fait me sentir vivante.
Vincent Lacoste — Je pense que j’ai été infidèle à la personne que j’étais censé être à la base. Je suis devenu acteur par hasard, c’est un métier pour lequel je n’étais pas franchement programmé. J’étais très timide adolescent. Je me dirigeais plus vers des études, qui auraient été certainement peu brillantes et m’auraient rendu dépressif.
Benjamin Biolay — No comment.
L’infidélité peut-elle être une vertu ?
Camille Cottin — Je ne sais pas… Je ne vis pas ma fidélité comme un devoir. Je peux tomber amoureuse souvent, trouver des gens beaux, hommes ou femmes, être sensible à leur charme, séduite, mais je n’ai pas envie de m’y aventurer, ce sont des images qui nourrissent mon imaginaire. Effectivement je pense que ces fantasmes ont des vertus, mais entendons-nous bien, je ne juge pas ceux qui franchissent le cap, je m’en fous complètement… Enfin non, ce n’est pas vrai, ce qui me dégoûte, c’est quand tout le monde sait qu’il y a tromperie, sauf l’intéressé.e.
Vincent Lacoste — Dans le couple, je ne pense pas, non. Enfin, peut-être pour un couple qui est ensemble depuis très longtemps et où le désir n’est plus au rendez-vous. Me concernant, si ma copine m’annonçait qu’elle m’avait trompé en prétendant que c’était pour mon bien, je trouverais ça assez scandaleux !
Benjamin Biolay — Oui ! Enfin pas pour les autres ! Enfin, tu me comprends…
Chiara Mastroianni — Je n’ai pas la mauvaise foi de Maria (son personnage dans Chambre 212 – ndlr), je ne pense pas que l’infidélité soit une condition d’un couple qui dure. En même temps, je n’ai jamais eu la chance de vivre vingt ans avec quelqu’un.
Un acteur est une personne qui cherche à être infidèle à elle-même ?
Benjamin Biolay — Je ne sais pas, je ne suis pas acteur.
Chiara Mastroianni — A se dérober à soi, peut-être, mais je n’appellerais pas ça de l’infidélité. En revanche, je suis demeurée fidèle aux idées que j’avais sur le cinéma quand je n’étais pas encore actrice. J’ai l’impression de n’avoir jamais transigé sur mon désir profond. Plus qu’un personnage à qui s’identifier, le cinéma reste pour moi la rencontre avec un cinéaste.
Vincent Lacoste — En tout cas, ce qui est très agréable quand on est un acteur, c’est que l’on peut se permettre n’importe quoi. Les personnages ont souvent des réactions aux situations totalement différentes des miennes, et je trouve ça vraiment jouissif. C’est une libération. Par ailleurs, je pense qu’un personnage se situe toujours entre l’acteur qui le joue et le personnage. Si on change d’acteur, le personnage change aussi. Il est à moitié infidèle, quoi. Conclusion : oui et non (rire).
Camille Cottin — C’est au contraire aller vers soi-même que de jouer quelqu’un d’autre, on est parfois surpris de découvrir ce qu’il y a en nous… “Deviens ce que tu es”, pour citer Nietzsche..
Un film t’a-t-il déjà été infidèle ?
Vincent Lacoste — Quand on est acteur, on accepte un film sur un scénario. Et parfois la vision du réalisateur n’est pas la même que la vôtre, donc le résultat vous déçoit. Il arrive aussi que tout le monde, même le réalisateur, soit déçu par le film. Ça veut souvent dire que le film est un nanard et que vous jouez très mal dedans.
Benjamin Biolay — On est vraiment obligé de parler de L’Art de la fugue ?
Camille Cottin — Mais oui, le tien ! J’ai versé une petite larme quand j’ai découvert que tu avais coupé la scène où Irène proposait à Richard/Benjamin de prendre une douche… Bon, j’ai très bien compris quand tu m’as dit que ce moment ne trouvait plus sa place, mais je l’aimais tellement !
Chiara Mastroianni — Oui, ça m’est arrivé. Je l’ai vécu alors comme une trahison et une perte de temps. Mais j’ai le sentiment que celui qui est infidèle dans ce cas, c’est le metteur en scène envers lui-même.
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