Lauréate de la meilleure réalisation à Sundance, la chronique intimiste, drôle et politiquement piquante de la réivention d’une dramaturge proche de la quarantaine.
Filmer le contemporain en noir et blanc peut s’avérer aussi agaçant qu’évident. A l’inverse du gadget arty, le 35mm bicolore de 40 Ans, toujours dans le flow s’inscrit judicieusement dans une certaine filiation de cinéma. Celle de la chronique intimiste new-yorkaise entamée par d’illustres prédécesseurs (Manhattan, Shadows, Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, Frances Ha).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le film de Radha Blank poursuit la généalogie en l’enrichissant d’un point de vue inédit : des quartiers de Manhattan ou Brooklyn, nous voilà à Harlem raconté du point de vue d’une femme noire de 40 ans. Dramaturge promise aux succès jadis, la carrière artistique de Radha est à l’arrêt. A quelques semaines de la son anniversaire, prise d’une révélation, elle décide de se réinventer dans le rap.
Une critique piquante sur le monde du théâtre new-yorkais
Comédie effrénée et assez jubilatoire, portée par une galerie de personnages excentriques et un sens du dialogue affûté, pleine d’autodérision à l’égard de son personnage principal (double fictionnel que l’on devine à peine maquillé de la cinéaste), 40 Ans, toujours dans le flow se double d’une critique piquante sur le monde du théâtre new-yorkais en montrant le travestissement de thématiques noires par une certaine culture blanche. Ici, une pièce écrite par Radha, qui se revendique comme un regard personnel sur Harlem, est réécrite en un hymne rassurant sur la gentrification et le vivre-ensemble dans le quartier.
Si c’est donc par le hip-hop que Radha va reconquérir son identité, le film laisse un écho plus dissonant que la cinéaste a l’acuité de ne pas nier. 40 Ans, toujours dans le flow n’est peut-être pas tant le récit d’un personnage tiraillé entre le théâtre et le hip-hop, mais celui d’une identité ne pouvant réellement s’écrire dans aucun des deux milieux.
L’un, parce que le pouvoir y est majoritairement détenu par les Blancs, l’autre, parce qu’il est le révélateur d’une fracture générationnelle. C’est sûrement en traçant une nouvelle voie, à la rencontre de ces deux écritures, que Radha se trouvera. Mais ça, c’est un autre film qui commence…
40 Ans, toujours dans le flow de Radha Blank, avec elle-même, Doris McCarthy, Samantha Browne-Walters (E-U, 2020, 2h09).
{"type":"Banniere-Basse"}